Daily Archives: mercredi 8 juin 2005

Combattre le « mal » par le pire ?

Lu sur le blog du Québécois Libre:

Espérons que les Américains se feront humilier et expulser d’Irak plus rapidement que du Vietnam. Question de mettre fin plus vite à la tuerie, mais surtout de leur enlever une fois pour toutes l’envie de jouer à l’empire planétaire et d’envahir d’autres pays qui ne les menacent pas.

Martin Masse, rédacteur en chef du Québécois Libre, n’a visiblement pas tout à fait compris les motivations du gouvernement américain concernant le Moyen Orient. Je ne vais pas ré-expliquer tout en détail, mais voici les grandes lignes: les Etats du Moyen Orient sont des échecs politiques, économiques et culturels. Ils nourrissent le terrorisme, soit directement en le finançant, en lui fournissant les moyens humains et matériel, en procurant asile aux terroristes (c’était notamment le cas de l’Iraq de Saddam)… Comment y mettre un terme ? En remplaçant les Etats actuels par de nouveaux régimes. Un pari évidemment difficile, et comment faire, sinon en libérant un de ces pays de l’oppression terrible que subit la population ? Les Etats locaux brillent par leur absence d’opposition, muselée, piétinée, opprimée, fusillée, emprisonnée, torturée, massacrée… Quelle autre alternative était réellement envisageable à court terme ? C’est donc la solution militaire qui a été retenue en Iraq, dans le cadre de la démocratisation du Moyen Orient.

Quelle est l’alternative à la réussite de ce projet ? A quoi conduirait l’échec américain en Iraq ? Contrairement à ce que pense M. Masse, ce ne serait pas la fin de ce qu’il appelle « l’empire américain », mais plutôt l’extension du califat islamique. L’Iraq ne serait pas perdu pour tout le monde, sauf pour les Iraqiens.
Car qui seraient les premières victimes, sinon les Iraqiens eux-mêmes ? La tuerie qui a lieu actuellement (12.000 victimes des terroristes sur 18 mois selon le ministère de l’Intérieur iraqien) ne serait alors qu’un joyeux prélude à d’autres massacres, en Iraq et au-delà: le Coran a pour vocation de dominer la planète, et pour arriver à cet objectif des avions dans des tours sont des moyens acceptables, et utiliser des ADM aussi (d’après une fatwa récente), même si cela implique de tuer un grand nombre de fidèles au passage (mais ils atteindront ainsi le paradis d’Allah…). Un peu comme au Viêtnam d’ailleurs, où la guerre fut une introduction aux camps, à la chute libre économique, et, surtout, à la libération de Pnom Penh. Et au massacre de 2 millions de Cambodgiens.
Mais tout cela, il n’en a cure ce brave Martin: peu importe les victimes iraqiennes, peu importe les attaques terroristes au gaz sarin lors des JO de 2012 à Paris, peu importe l’effondrement de l’économie mondiale suite à la révolution islamique en Arabie Saoudite de 2010, peu importe l’annihilation d’Israël en 2015 lors de l’attaque nucléaire iranienne… on s’en fiche de tout cela! Il faut donner une bonne leçon au gouvernement américain. C’est de cela qu’il s’agit pour Martin Masse. Pour lui, le gouvernement américain, c’est le Mal. Soit, partons de sa position, le gouvernement américain, c’est le Mal. N’existe-t-il pas Mal plus grand encore ?

Grande découverte

Comme chacun sait, l’argent c’est le nerf de la guerre. Alors on peut compiler des chiffres, et comparer, ce que ne manque pas de faire le SIPRI (à propos du SIPRI, voir et revoir le graphe des ventes d’armes à l’Iraq de Saddam). Cette année les dépenses ont atteint le chiffre astronomique de 1000 milliards de dollars. Ouep, mille milliards de dollars. Une belle somme, bien ronde, dont le gouvernement américain dépense 47%, 470 milliards de dollars (j’aime bien répéter « milliards de dollars », comment dire, ça claque). Quand on parle en termes absolus, le chiffre est énorme. Quand on le rapporte à la taille du pays, il devient relatif: (470 / 12.000) = moins de 4%. En France le chiffre est de l’ordre de 3%, voire un peu moins, donc comparativement aux USA la France dépense un bon quart en moins! Mais l’écart s’explique facilement:

La première explication du niveau actuel (…) des dépenses militaires mondiales est le montant des opérations militaires à l’étranger effectuées par les Etats-Unis et, dans une moindre mesure, par ses alliés dans la coalition

Hé oui: les Etats-Unis sont en guerre. Et ils supportent le poids de cette guerre à eux seuls quasiment, au bénéfice des populations européennes, asiatiques (je pense notamment aux Philippins…), africaines, et bien sûr au bénéfice des Américains eux-mêmes. Les dépenses militaires US incluent des salaires faramineux (500.000 militaires, les contractants civils, les primes pour déploiement à l’étranger, en zone de combat…), des coûts logistiques immenses…

Evidemment montrer du doigt les USA permet aux médias de détourner l’attention de la course aux armements en cours: en Asie, entre la Chine, Taïwan, les deux Corées, le Japon, l’Inde, le Pakistan… Ces deux derniers pays sont maintenant tous les deux des puissances nucléaires, avec les missiles ballistiques qui vont avec. Mais entre la Chine et Taïwan la course continue toujours: la Chine s’équipe chaque année un peu plus en missiles divers, en sous-marins, barges de débarquement… Et la Chine soutient toujours (livraisons de pétrole, de nourriture, de pièces détachées pour l’industrie) la Corée du Nord, qui a maintenant un nombre indéterminé de bombes atomiques, et des vecteurs capables de toucher Tokyo, Hawaï, l’Alaska, et bientôt Los Angeles… Et puisque la Corée du Sud aussi bien que le Japon peuvent construire leurs propres bombes en quelques mois (ils ont la technologie, les matériaux, les scientifiques), la Chine pousse ces deux pays à s’armer, en réponse à la menace nord-coréenne, et in fine, chinoise.

Mise à jour:
Un précieux informateur m’informe que Pierre Rigoulot a écrit dans Le Figaro:

Hélas, on ne peut être sûr à 100% que la Corée du Nord, après les avoir testés, ne lancera pas ses engins de mort. Ni à 100% que les Etats-Unis riposteront à une attaque antijaponaise ou anti-sud-coréenne de la part de Pyongyang. D’où le souhait de certains milieux sud-coréens et japonais de voir leur pays acquérir également ­ et préventivement ­ la bombe nucléaire à des fins de dissuasion.

Ce qui ne réjouit guère la Chine, on s’en doute. Aussi y a-t-il probablement plus de Corée du Nord que l’on croit dans les dernières manifestations antijaponaises. Par leur biais, la Chine tente de déconsidérer à l’avance ce qu’elle appelle le «militarisme japonais» pour ne pas avoir à payer les conséquences de son refus de forcer la Corée du Nord à abandonner ses projets nucléaires.

Il faut pourtant que la Chine choisisse entre le beurre et l’argent du beurre. Ou bien elle accepte une bombe nord-coréenne, donc une bombe japonaise, ou bien elle coupe, avec le risque de déstabilisation que cela comporte, toute aide économique à la Corée du Nord pour que cette dernière renonce à ses dangereux fantasmes.

Mise à jour:
Faré me souffle la réplique suivante: « 47% ? Dommage que ce ne soit pas 100%« . En effet.