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Sortir de l’irak

Sortir de l’Irak, tel était l’édito du Monde du 11 novembre. Un concentré des belles idées européennes…

Quelle sera cette « nouvelle perspective » que le président Bush a promise à propos de l’Irak, après la « raclée » – c’est son expression – enregistrée par son Parti républicain aux élections de mi-mandat ?

La question est posée à Washington sans que personne ne soit encore en mesure d’apporter une réponse. Une seule chose est sûre : tout le monde semble aujourd’hui favorable à un changement de politique. George W. Bush a compris qu’il lui fallait trouver les moyens de sortir de l’impasse s’il voulait sauver sa présidence.

Stupide Dubya qui n’avait pas compris jusque là l’impasse iraqienne, alors que les médias l’annonçaient dès la 2nde semaine de conflit, en avril 2003! Et depuis les mêmes médias n’ont eu de cesse de présenter l’Iraq comme étant une annexe de l’enfer, avec un peu de pétrole en plus. Quid des réussites passées sous silence ? Quid de la réalité militaire ? Quid de la comparaison avec, par exemple, ce qui s’est passé il y a à peine 10 ans en Bosnie, en Croatie (centaines de milliers de morts, centaines de milliers de personnes déplacées/déportées) ? Ou de ce qui se passe au Darfour ou au Congo (centaines de milliers de morts, et même millions au Congo) ? Quid des pertes US somme toutes ridicules au regard des conflits du siècle passé (et même… au regard du 11 Septembre!) ?
En focalisant toute l’attention sur un seul conflit, en occultant complètement tous les indicateurs permettant de relativiser l’importance, l’intensité du conflit, les médias dramatisent à l’excès, donnent tous les jours des victoires à ceux qu’ils appellent « insurgés », « rebelles », « résistants » au lieu de terroristes, barbares, bouchers, assassins.

Les républicains ne veulent pas aborder l’élection présidentielle de 2008 avec plus de cent mille soldats américains impliqués dans une guerre civile.

Guerre civile ? Ou minorités terroristes contre un gouvernement élu démocratiquement ? Il est certain que les Shiites ont une revanche à prendre, d’autant qu’ils sont encore les victimes des terroristes sunnites, mais si on veut voir une réelle guerre civile, il suffit pour cela de quitter totalement l’Iraq. Ce jour là on découvrira ce qu’est une réelle guerre civile. Bagdad, majorité sunnite, vidée de 60% de ses habitants par l’armée à majorité shiite ? Les villes sunnites systématiquement bombardées et leurs habitants réduits à l’exil ? Des centaines de milliers de morts, des millions de réfugiés fuyant vers la Syrie, la Jordanie, l’Iran ?
Mais les médias eux, en sont certains: c’est une guerre civile car ils veulent que c’en soit une. Il suffit de leur proclamer que c’en est une pour en faire une. C’est la pédagogie de la répétition.

Les démocrates, qui ont gagné la majorité au Sénat et à la Chambre, seraient encore renforcés pour les prochaines échéances s’ils contribuaient à sortir leur pays du bourbier irakien.

Si on ne fait pas un article sur l’Iraq sans écrire « bourbier »… Il doit y avoir une règle dans les rédactions…
Quant aux Démocrates US, comme je l’ai écrit dans un autre article ils peuvent parfaitement être renforcés électoralement par un retrait d’Iraq. L’Iran et la Syrie, sachant qu’ils pourront dépecer l’Iraq tranquillement se tiendront bien sages, donneront des gages de gentillesse qu’ils s’empresseront de piétiner si un président démocrate est élu en 2008. On sait ce que valent les promesses des dirigeants occidentaux, alors celles des dictateurs moyen-orientaux…

Personne, toutefois, ne veut être accusé d’accepter une retraite qui serait, pour les Etats-Unis et pour leurs alliés, à la fois humiliante et dangereuse.

Eclair de lucidité au Monde: la retraite serait humiliante et dangereuse. Mais alors pourquoi ne pas y rester ?

Ni M. Bush ni ses adversaires démocrates n’ont de solution. Ils espèrent le salut du Groupe d’études sur l’Irak. Le président n’attendra pas la remise du rapport de cette commission bipartite, prévue à la fin de l’année, pour avoir un avant-goût de ses recommandations.

Commission dite « Baker », qui prône un « dialogue » avec l’Iran et la Syrie, les deux financiers, logisticiens et idéologues des terroristes en Iraq. Les deux principaux ennemis des Etats-Unis au Moyen Orient et de leurs « alliés ».

Les deux vieux routiers de la politique étrangère qui président la commission – le républicain James Baker et le démocrate Lee Hamilton – sont connus pour ne pas sombrer dans les considérations idéologiques.

C’est-à-dire qu’ils sont « réalistes », comme on l’était au « bon vieux temps » de la guerre froide, où l’on disait d’un dictateur « c’est peut-être un salaud, mais c’est mon salaud ».
Si la cause du désastre économique et culturel du monde islamique en général est lié au manque de libertés dans ces pays, ce n’est pas avec Baker que ça changera. Les Egyptiens prendront encore 20 ans de Moubarak, les Syriens 20 ans d’El Assad, et les Iraniens sont condamnés à l’éternité au régime des mollahs.
Et dans 20 ans on aura les mêmes problèmes qu’aujourd’hui: des dirigeants tarés et/ou corrompus jusqu’à l’os, des pays sous développés culturellement et économiquement, des populations très jeunes et désoeuvrées, le tout avec des armes nucléaires.

Leurs conclusions devraient s’articuler autour de trois idées : maintenir autant que faire se peut l’intégrité d’un Irak fédéral afin de ne pas abandonner le pays aux rivalités ethniques et aux convoitises de ses voisins ; opérer une diminution progressive des forces américaines en plaçant le gouvernement irakien devant ses responsabilités ; entamer des conversations avec les pays limitrophes de l’Irak qui sont à un titre ou à un autre impliqués dans le conflit.

Demander poliment aux voisins de ne pas mettre en pièces le pays alors qu’ils ont déjà commencé à semer les graines de la guerre civile, voilà l’essentiel du plan Baker. Et vous pensez que les Iraniens vont faire quoi ? Rire ? Signer avec un grand sourire ?

Ce dernier point suppose que Washington accepte de parler avec l’Iran et la Syrie. George Bush s’y est jusqu’à maintenant refusé, car il les considère comme deux Etats « voyous ».

C’est GW Bush qui les considère comme des Etats voyous. Personne en France n’aurait l’idée d’appeler ainsi un Etat qui achète des Airbus, vend du gaz à Total, et importe des Peugeot! En plus avec le programme nucléaire iranien la Cogema va peut-être pouvoir vendre du combustible, qui sera ensuite retraité à la Hague!
Quid de l’appui financier et logistique au Hamas et au Hezbollah ? Etat voyou ? Pffft une idée aussi risible ne peut que germer dans la tête de Stupid Bush…

Ces éventuelles négociations ne se limiteraient pas à la question irakienne, qui ne saurait trouver de solution que dans un contexte régional, englobant le conflit israélo-palestinien et le différend sur le nucléaire iranien.

L’édito du Monde pourrait s’arrêter là: tous les problèmes du Moyen Orient peuvent être ramenés au « conflit israëlo-palestinien » pour le journaliste de base. Les problèmes en Iraq ? Facile, il suffit de régler le « conflit israëlo-palestinien », où des islamistes assoifés de sang (Hamas, Fatah) cherchent à annihiler une population heureusement bien défendue (donc forcément coupable!).
Ceci dit, on imagine un peu les négociations futures sur l’Iraq: « laissez-nous évacuer nos soldats et on fera pression sur Israël pour qu’ils lâchent Jerusalem, et soyez gentils arrêtez votre programme nucléaire ». Et si l’Iran décide de ne pas respecter sa parole ?

Mais l’édito continue:

Il ne s’agirait donc pas d’une simple inflexion de la politique irakienne de la Maison Blanche, mais d’un véritable changement de stratégie, même si l’objectif proclamé reste le même : la guerre contre la terreur. Le président est connu pour avoir des convictions. En se séparant de Donald Rumsfeld, il a montré qu’il avait une grande flexibilité tactique. Il a maintenant l’occasion de se plier au réalisme auquel l’invitent les électeurs.

Réalisme = s’avouer vaincu, abandonner l’Iraq à l’Iran, laisser l’Iran avoir l’arme atomique. Le réalisme nous a mené au 11 Septembre. Le réalisme nous mènera à l’heure du terrorisme tellement massif que le bilan du 11 Septembre nous semblera dérisoire.

Les médias n’en ont cure, mais en donnant la victoire aux terroristes et à l’Iran, ils ont probablement gaché la dernière chance de paix réelle pour des années. Quand l’Iran aura ses 50.000 centrifugeuses, 100 ou 200 bombes chaque année pourront être produites dans les usines iraniennes. Combien de villes européennes et américaines seront bombardées avant une riposte ? Oh, bien sûr, Israël sera déjà rayé de la carte, mais ça, on s’en fout, n’est-ce pas ?

Cut and run

Democrats will press President George W. Bush’s administration to tell the Iraqi government that U.S. presence was “not open-ended, and that, as a matter of fact, we need to begin a phased redeployment of forces from Iraq in four to six months,” Levin said on ABC’s “This Week” program.

via LGF

Tous les Démocrates sont sur cette longueur d’onde: on plie bagage. L’Iraq sera perdu à Washington. Comme au Viêtnam, des centaines de milliers de personnes vont perdre la vie à cause de cette décision désastreuse, si ce n’est des millions.

Score one for Iran

With the scandalous defeat of America’s policies in Iraq, Palestine, Lebanon and Afghanistan, America’s threats are empty threats on an international scale.

lu sur althouse.
A lire sur le même sujet : iraqpundit.

Plus à l’Est

Que vont penser les Taïwanais, menacés par la Chine, et les Japonais et les Coréens, menacés par la Corée du Nord, de la victoire Démocrate ?
Si ceux-ci mettent en oeuvre leur programme de défaite en Iraq, quel message enverront-ils ?
– l’Amérique n’a décidément plus la volonté de combattre plus que quelques années,
– ne sait plus encaisser des pertes, même minimes (3000 tués en Iraq en 3 ans)
– laisse tomber ses alliés pour des raisons de politique intérieure…

Bref Taïwan ne peut pas compter sur une flotte US en cas d’invasion de la Chine communiste. Le Japon ne pourra pas compter sur les troupes US en cas d’aventurisme nord coréen ou chinois, pas plus que les sud Coréens. Dès lors, que devront faire ces pays ? S’armer. Opposer à la Chine leurs propres outils de dissuasion. Si l’escalade nucléaire est tout à fait possible pour le Moyen Orient, elle est encore plus probable, quasi-certaine, pour l’Asie. Le Japon comme la Corée ont non seulement les moyens techniques, les connaissances académiques, mais aussi tout l’outil industriel pour construire en masse des armes nucléaires. Mais ce n’est pas tout: Tokyo a un stock de plusieurs dizaines de tonnes de plutonium. La Corée du Sud a une vingtaine de réacteurs en production. Taïwan aussi dispose des mêmes facilités.
Ces pays peuvent donc produire dans des délais extrêmement courts des armes atomiques fiables, avec des lanceurs (missiles).

Et qui les en empêchera ? La course est ouverte désormais. Les quelques mois devant nous sont décisifs.

Le mot de Rumsfeld

As we look back on those critical years during the Cold War, so too our grandchildren will one day look back on this time as a defining moment in America’s history. History will judge whether we did all we could to defeat a vicious extremist enemy that threatened our security, our freedom, our very way of life. Or, if we left it to the next generations to try to fight an enemy strengthened by our weakness, and emboldened by our lack of resolve.

Source: Kansas State University Landon Lecture

Je traduis pour les non-anglophones:

De même que nous nous penchons sur les années critiques de la Guerre Froide, nos petits enfants étudierons ce moment décisif de l’histoire des Etats Unis. L’Histoire jugera si nous avons tout fait pour battre cet ennemi extrémiste et vicieux, qui menace notre sécurité, nos libertés, notre mode de vie. Ou bien si nous avons laissé aux générations futures le soin de se battre contre un ennemi renforcé par nos faiblesses, encouragé par notre manque de volonté

Tout est dit. Entre ce discours et celui de Mme Pelosi, on mesure l’écart. Si les Démocrates « redéploient » (euphémisme pour « quitter ») l’armée US aux USA, l’Iraq tombera aux mains de ses voisins (démantèlement entre la Turquie pour le Kurdistan, les zones Shiites aux mains d’Amadhinejad, les zones Sunnites aux mains des Syriens).

Tout sera à refaire, en plus dur. D’où lancer des attaques contre l’Iran ? De l’Afghanistan ? Encore faut-il que le Pakistan ne sombre pas lui-même aux mains d’islamistes ou que les Démocrates ne décident pas un « redéploiment » pour l’Afghanistan aussi!

Avec la course aux armes nucléaires, il ne restera bientôt plus qu’une seule option disponible. Elle est terrifiante. J’en reparlerai.

Illustration

Nancy Pelosi, désormais « speaker » à la chambre déclarait hier:

I mean, the point is, is that our presence in Iraq, as viewed by the Iraqis and by others in the region, as an occupation is not making America safer. … So what is being accomplished by our being there? A responsible redeployment outside of Iraq … The president — victory is elusive. Victory is subjective. What does he mean by ‘victory’?

Ce qui se traduit par:

notre présence en Iraq, telle que perçue par les Iraqiens et les autres dans la région, est une occupation qui n’améliore pas la sécurité des Etats-Unis. Alors qu’est-ce qu’on gagne à être présents là-bas ? Un redéploiement responsable hors d’Iraq… La définition de victoire est subjective. Qu’entend le président par « victoire » ?

Je vous laisse juger si mon scénario peut se réaliser avec une tarée pareille à la tête des Démocrates.

Le pire est à venir

Enfin la victoire annoncée des Démocrates est concrétisée.

Alors, que va-t-il se passer ? Le contrôle du Sénat et de la Chambre des Représentants donne aux Démocrates tout pouvoir sur le budget, mais pas sur la totalité de la politique gouvernementale elle-même. Espérons que les compromis n’impliqueront pas la bataille d’Iraq. Si d’aventure le retrait américain se faisait trop tôt, Moqtada Al Sadr (qui aurait du prendre un Hellfire sur le coin de la figure il y a belle lurette…) et l’Iran aurait trop vite fait de prendre le contrôle de l’Iraq.
Et au lieu d’avoir un problème iranien, on aurait… un réel empire islamique, allant de la Méditerrannée (Hezbollah au Liban, Hamas à Gaza) en passant par la Syrie (sunnite, mais alliée de l’Iran), en passant par l’Iraq (à majorité shiite, et je ne donne pas cher de la peau des sunnites là-bas…) et bien sûr l’Iran.

Sans présence américaine dans le Golfe, que deviendraient les monarchies pétrolières ? Des proies faciles pour un Iran nucléaire (avec l’inaction US des deux prochaines années, Amadhinejad et sa clique ont les mains libres). Donc ? Donc ils entameront une course aux armements, à la fois classique et nucléaires. Et comme d’ici deux ans la situation en Iraq aura probablement peu évolué (il vaudra mieux « calmer » la situation, donner une impression de calme pendant que les troupes US plient bagage), tout sera en place pour l’élection d’un président Démocrate en 2008 (qui pourra arguer de la réussite du plan de retrait d’Iraq, des négociations avec l’Iran…).

Et vers 2010 ? On aura un Iran nucléaire quasi-maître de la région, libre de financer à sa guise les terroristes où bon lui semble, éventuellement de prendre par les armes le Koweït (majorité shiite comme en Iran), ou une partie de l’Arabie Saoudite (majorité shiite dans l’est, càd là où est tout le pétrole…). Ou d’attaquer Tel Aviv. Ou de faire du chantage sur les capitales européennes.

Politique fiction ? Oui. Mais les Iraniens sont malins, et j’imagine mal Amadhinejad gâcher l’immense opportunité qui s’offre à lui. Quant aux politiciens américains, ils sont trop lâches et trop centrés sur la prochaine élection pour ne pas se satisfaire d’une pseudo-paix, ou plutôt, d’un report des hostilités. Car toute accalmie sera passagère, le calme avant l’inévitable tempête.