Je rigole en lisant cet article du Figaro, que je reproduis ici car il n’y a pas d’archives là bas:
La presse européenne sceptique sur l’avenir de l’Irak
(Avec AFP.)
[31 janvier 2005]Le scepticisme quant à l’avenir de l’Irak dominait largement les commentaires aujourd’hui de la presse européenne après le «succès» qu’elle juge tout relatif des élections dans ce pays toujours «occupé» par des forces étrangères.
L’hommage aux Irakiens ayant défié dimanche les dangers pour se rendre aux urnes, des hommes et des femmes que l’italien Corriere della Sera n’hésite pas à qualifier avec emphase d’«admirables», et la mise en exergue de l’échec des «terroristes» étaient certes quasi unanimes dans les quotidiens.
Mais rares étaient ceux qui, à l’instar du Times de Londres selon lequel «le courage des électeurs irakiens a ouvert un chemin vers la paix» ou du portugais Publico d’après lequel «l’avenir difficile» de l’Irak «se place sous le signe de l’espoir», se risquaient à entrevoir un scénario optimiste pour la suite.
Car, malgré le fait que le peuple a «montré de façon si impressionnante sa volonté de démocratie», souligne l’allemand der Tagesspiegel, l’espoir que le vote de chaque Irakien «soit une voix pour un meilleur avenir» est «assez faible», note son compatriote Sueddeutsche Zeitung.
«Les élections irakiennes n’annoncent pas la fin des problèmes et elles ne justifient pas a posteriori une guerre qui a révélé toutes ses vilenies», ajoute, en Suisse, Le Temps.
Elles «sont une condition nécessaire, mais pas suffisante» pour la démocratie, renchérit chez les voisins italiens le Corriere della Sera, le britannique Daily Mail évoquant, lui, un «succès limité».
Le catalan La Vanguardia va même jusqu’à avertir que «la grande tragédie serait que les élections d’hier ou celles de demain ne servent à rien et que la minorité sunnite se plonge dans une guerre civile avec les chiites pour la plus grande satisfaction du benladisme».
«Aucune solution politique ne pourra être viable ou durable si on marginalise 20% de la population», à savoir les sunnites, met aussi en garde El Mundo, un point de vue proche de celui d’El Pais.
Autre grand journal espagnol, ABC juge «difficile de qualifier ces élections de libres» et il est «naïf de les dire démocratiques, alors qu’elles sont imposées par une puissance occupante», l’Humanité dénonçant pour sa part, de l’autre côté des Pyrénées, une «parodie de démocratie».
«Que les chiites victorieux cèdent à la tentation de la théocratie, les sunnites à la fascination du suicide, les Kurdes à l’obsession de l’indépendance, et tout sera perdu», pronostique, également en France, le Figaro.
«La photo de l’Irak qui sort de cette consultation électorale est celle d’une société divisée dans laquelle chiites et Kurdes fêtent leur accession au pouvoir, tandis que les sunnites ont confirmé leur volonté de rester en dehors», opine la Stampa à Turin, le danois Politiken allant jusqu’à carrément redouter «une nouvelle dictature ou une guerre civile».
Cependant que la presse turque s’inquiète, à l’exemple du quotidien Milliyet, du fait que «les vainqueurs des élections sont les Chiites et les Kurdes», car Ankara craint que des velléités séparatistes de cette dernière minorité ne déstabilisent le sud-est anatolien, où vivent de nombreux Kurdes.
«Ces élections ont pour objectif de créer une apparence de pouvoir légitime (…) qui puisse rendre légitime l’occupation par les Américains et les Britanniques», croit savoir le bulgare Troud, le polonais Gazeta Wyborcza remarquant que, désormais, «une demande adressée aux Américains de quitter le pays permettrait aux nouvelles autorités de se rendre crédibles» aux yeux des électeurs.
Plus pessimiste encore, le quotidien officiel russe Rossiïskaïa Gazeta titre «élections dans le sang : le vote a eu lieu, la guerre continue», le journal d’opposition Nezavissimaïa Gazeta considérant, de son côté, que le vote est «capable de faire exploser l’Irak».