Daily Archives: vendredi 28 janvier 2005

Le monde à l’envers

Je viens de terminer The Killing Fields, film bouleversant, à ranger aux côtés de La liste de Schindler. Il raconte l’amitié entre deux journalistes, Sidney Schanberg du New York Times, et de Dith Pran, son guide: l’irruption de la guerre au Cambodge, l’horreur, la chute et l’évacuation forcée de Phnom Penh, puis les camps, où Pran passe 4 ans avant de s’enfuir. Une histoire magnifique même si le film romance la fin de l’histoire
A l’époque, Schanberg, tout comme la majorité des journalistes US et occidentaux en général, était contre l’intervention US en Indochine, opposition perceptible en filigrane tout au long du film. Les motivations des journalistes étaient variées: soutien pur et simple de la « révolution » (au hasard, des français, comme Jean Lacouture du Monde), opposition à leur gouvernement pour certains Américains (le Watergate a lieu au même moment), gauchisme pseudo-romantique ou fanatique, d’autres parce que la souffrance des populations civiles leur était insupportable… Toujours est-il qu’ils instruisaient le procès du gouvernement américain et de sa politique, parfois à raison comme dans le cas du massacre de My Lai (au Viêtnam), plus souvent à tort, en désinformant, comme Walter Cronkite lors du Têt 68, ou l’inévitable Chomsky. Finalement ils ont eu raison de la guerre du Viêtnam. Les boys sont rentrés au pays, le soutien à l’armée du Sud Viêtnam a cessé totalement sous Ford (bloqué par le Congrès), et les communistes ont pris le Cambodge, le Laos et le Viêtnam. Là ils ont fait ce qu’ont toujours fait les communistes: emprisonner, massacrer, provoquer des famines et des exodes, déraciner les gens, anéantir la culture, l’économie, endoctriner les enfants, rééduquer les parents, etc. Cela s’est traduit par environ 2 millions de morts au Cambodge (où la guerre a continué de façon sporadique jusque dans les années 90 entre factions rivales), par les boat-people, une arriération économique durable…

Evidemment, certains chroniqueurs de l’époque regrettent plus ou moins leurs prises de positions. Peut-être auraient-ils du parler des atrocités commises à Huê en 68 ? Peut-être auraient-ils pu souligner la dangerosité des thèses khmers, pourtant bien connues à Paris ? Evidemment il y en aura toujours pour mettre les massacres sur le dos de la CIA, ou faire porter l’entière responsabilité de l’avènement au pouvoir des khmers rouges sur le gouvernement US (en oubliant que les Chinois finançaient et armaient…).

Aujourd’hui la même opération médiatique est à l’oeuvre en Iraq: les médias montrent à l’envie les corps démembrés des victimes des terroristes coupeurs de tête, les rues ensanglantées de Bagdad après les attentats, les maisons éventrées à Fallujah… Ils se refusent à désigner les assassins islamiques par leur nom, celui de terroristes. Ils relayent complaisamment des statistiques bidons, des histoires éventées d’explosifs « perdus ». Quand ils ne peuvent pas faire passer une victoire pour une défaite, ils insistent sur les destructions, ou encore voudraient nous faire croire que les agissements condamnés (très lourdement) d’une minorité de soldats dans une prison isolée sont représentatifs de toute une armée. Et tout récemment, l’image d’un Marine tirant à bout portant sur un homme blessé dans une mosquée a fait couler beaucoup d’encre. Pensez-donc, à Fallujah, où cette scène s’est déroulée, des terroristes ont « fait le mort » pour se relever et tuer des Marines. Mais pourquoi remettre les choses dans leur contexte, alors qu’il est si simple de lyncher en passant en boucle une image sans l’expliquer ? Les vrais criminels de guerre, ceux qui violent toutes les lois de la guerre, à commencer par celle qui veut que des armées se battent entre elles et non pas contre des civils désarmés, le tout avec un uniforme sur le dos, devraient avoir droit à des égards spécifiques ? Ils ont abdiqué tous leurs droits au moment même où ils ont décidé de prendre les armes.
Insister sur les erreurs et les errements des troupes US délégitimise l’intervention. Passer sous silence les bonnes nouvelles d’Iraq laisse penser que la situation était meilleure avant, sous Saddam, comme le fait Moore dans son odieux documenteur « Farenheit 9/11 ».. En Afghanistan aussi on entend parler que des mauvaises nouvelles. Notez que depuis les élections plus aucun journaliste ne parle d’Afghanistan

J’imagine que peu de journalistes peuvent être soupçonnés de sympathie envers les terroristes islamiques, mais ils participent à leur tour, comme leurs aînés il y a 40 ans de cela à une même opération de déstabilisation d’un pays, qui pourrait avoir les mêmes résultats qu’à l’époque, voire même pire. Les coupeurs de tête, les poseurs de bombes, les idéologues islamistes n’attendent que le départ des troupes US pour assouvir leur soif de sang. Oh bien sûr, si cela devait arriver il serait question de l’abandon des Iraqiens après une guerre illégale, salauds d’Américains, qui ont tort quand ils sont là, tort quand ils plient bagage. Bien sûr, ils seraient nombreux à affirmer que sans l’intervention US l’Iraq n’aurait pas été le théâtre de massacres, oubliant un peu vite Saddam et ses centaines de milliers de mort, son oppression constante, ses guerres à répétition, et ses tentatives multiples d’acquérir et de développer des armes de destruction massive.
Alors quelles sont les motivations de ces journalistes ? Le bien-être du peuple iraqien ? Sont-ils à ce point naïfs pour penser qu’un régime taliban ou une guerre civile ouverte entre communautés serait un progrès par rapport à la démocratie balbutiante ? Non, la vérité est bien plus simple: c’est le ressort anti-américain, et concernant les journalistes américains, la haine de leur pays pour les plus gauchistes d’entre eux, la haine anti-Bush/anti-républicains pour les autres. Il serait tout de même grand temps de tirer les leçons du passé, de tirer un trait sur l’anti-américanisme absurde, de se poser une fois pour toute la question de savoir qui est l’ennemi, qui est l’ami, et de mettre un terme à l’inversion médiatique.