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Pourquoi ne pas avoir fini le travail à Fallujah ?

Comme beaucoup, je me demandais pourquoi les forces US n’allaient pas au bout de l’action à Fallujah, pourquoi elles ne nettoyaient pas la ville entièrement des terroristes, ex-baasistes reconvertis en islamistes, ou jihadistes étrangers. Il y a peut-être un élément simple auquel je n’avais pas pensé alors: dans l’action militaire comme dans beaucoup d’autres domaines, il y a des rendements décroissants. Mettre hors de combat les 990 premiers terroristes alors qu’ils tiennent des positions localisées c’est nettement moins coûteux que de fouiller la ville maison par maison (en se mettant à dos la population, en invitant les médias à la critique, en risquant les embuscades et les attentats…) pour retrouver les 10 derniers volontaires pour les 72 vierges. Aussi, les commandants US ont-ils peut-être jugé que l’objectif n’était pas une prise de contrôle total de la ville, ni même de tuer ou capturer les principaux leaders terroristes dans une première phase.
Dans une seconde phase, les terroristes doivent se réorganiser, regagner le contrôle qu’ils ont perdu, enrôler de nouveaux volontaires au suicide. Pendant cette phase ils sont bien plus vulnérables: ils doivent communiquer entre eux, se déplacer, tenir des réunions… et que s’est-il passé récemment ? Par deux fois des réunions de jihadistes ont pris des bombes US sur le coin de la figure.

Pourquoi consacrer d’importantes ressources à un objectif qui peut-être réalisé avec des moyens moins importants plus tard ?

(lire aussi sur l’intelligence tactique des forces armées US sur Belmont Club, qui m’a curieusement inspiré ce post)

Courte pause

Je fais une pause dans la pause pour vous inciter à lire un texte de Murray Rothbard: The Case for Revisionism et surtout les commentaires.

Unanimité anti-américaine

Pendant les mois d’avant libération de l’Iraq j’ai décidé de manger seul, pour ne pas avoir à subir des conversations sur l’horrible Bush tueur d’Arabes (peu importe que Saddam en ait tué des millions, Bush est américain!). Pendant les 3 semaines fatidiques de combat, j’ai adopté le même comportement, à quelques rares exceptions près. Mieux vaut prétendre avoir beaucoup de travail que de se fâcher avec des collègues ou bouillir de rage devant les énormités proférées (ils sont enlisés, c’est pour mieux leur mettre la pâtée à Bagdad, etc). Puis j’ai repris le rythme habituel: je ne peux tout de même pas boycotter mes collègues indéfiniment!

Je les ai donc entendus en novembre dernier se réjouir de la mort de soldats US quand les hélicos de l’US Army n’avaient pas encore adopté les tactiques leur permettant d’échapper aux tirs de missiles sol-air, je les ai entendus parler avec enthousiasme du « soulèvement » d’Al Sadr en avril, et toujours de l’affreux Bush, des méchants et stupides Américains. Ce midi, j’ai eu droit à l’éloge du « documentaire » de William Karel sur le gouvernement de George W Bush: Le monde selon Bush. Cette oeuvre de propagande, comme le rappelle Romain Goupil, a semble-t-il marqué les esprits. J’ai préféré m’éclipser, plutôt que d’entendre parler de la cabale néo-con (même si au passage j’ai entendu parler de Colin Powell comme d’un faucon, alors que celui-ci joue contre les néo-cons avec la CIA…), des liens famille Bush-Ben Laden-mafia, lobby juif et je ne sais quoi encore.

Pour moi il y a une séparation très nette entre vie professionnelle et le reste, et je maintiens ce cloisonnement au maximum: personne ne doit savoir ce que je pense de sujets politiques, stratégiques, ou du taux d’imposition (1). En général, tout le monde s’astreint à ces règles implicites: personne ne parle de politique au sens strict, les élections tout le monde s’en fout ou presque (ah, quels mauvais citoyens), sont à peine commentées (sur le ton de la plaisanterie consensuelle).
Pourquoi ne pas conserver la même retenue dès lors qu’il s’agit de la libération de l’Iraq, des élections américaines, ou de la guerre contre le terrorisme ? Parce que ceux qui s’expriment font l’hypothèse qu’il n’existe qu’une seule opinion, et qu’elle ne peut être qu’anti-américaine.

1: j’approuve juste quand j’entends les récriminations devant les taxes sans cesse croissante: il y a un fond libéral dans ce pays, pourvu qu’un couillu se présente avec un programme clair de baisse d’impôt

L’Iran s’y met ouvertement

Le régime iranien se contentait jusque là de financer Al Sadr, mais devant la défaite subie par ses forces (probablement aidées de pasdarans), ils n’avaient plus de jouet (à part le Hezbollah, qu’ils co-contrôlent plus ou moins avec la Syrie, donc pas leur jouet).

Visiblement, les mollahs ont suffisament repris confiance pour passer à l’offensive, et de manière on ne peut plus ouverte: ils ont fait prisonniers 8 soldats britanniques dans des small boats sur le Shatt El Arab (Source: New York Times).

Lire bien évidemment l’indispensable réaction de Wretchard. Ma question personnelle est: à combien de mois de la bombe atomique sont-ils ? Il est clair que s’ils s’enhardissent ainsi c’est que:
– soit comme Wretchard le pense ils font le pari que GW Bush est en difficulté et qu’une humiliation internationale peut aider l’Iran à atteindre ses buts (dont la réussite passe par la défaite de GW Bush en Novembre)
– soit ils ont ou auront les moyens de leur politique (bombe A ?)

Quel que soit le cas, comme en avril avec la tentative de coup d’Etat raté de Moqtada Al Sadr, c’est un développement grave. Et encore une bonne raison pour les soldats US de ne pas quitter l’Iraq, qui serait vraiment livrer ce pays aux mollahs Iraniens, au dictateur ophtalmo aka Bachar El Assad, et surtout aux fous wahhabites d’Arabie Saoudite.

Alleluiah!

Europe USA en guerre

La scène de ménage est-elle terminée ? Français et Américains s’aiment-ils de nouveau ? demandait Arlette Chabot à Hubert Védrine, lundi soir sur France 2, dans « Mots croisés ». L’ancien ministre des affaires étrangères, qui déteste ce langage sentimental appliqué aux relations internationales, répliquait qu’ils n’avaient pas été brouillés, mais que c’était beaucoup plus grave. Il ne s’agit pas, selon lui, d’une mauvaise humeur passagère qui ne concernerait que les seuls Français. Les deux sociétés, européenne et américaine, ont cette fois réellement divergé, principalement dans leur attitude vis-à-vis du monde arabo-musulman, et il va falloir vivre avec, car cette situation va durer.

L’attitude française vis-à-vis du monde arabo-musulman, quelle est-elle ? On ferme les yeux et on vend des Airbus ? On soutient et on vend un réacteur nucléaire ?
L’attitude US a bien changé depuis le 11 septembre. Avant c’était la même chose qu’ici, realpolitik et « c’est un pourri mais c’est mon pourri« . Terminé tout ça. On a vu les résultats que ça a donnés. Il y a une dimension nouvelle dans la politique US.

George Bush s’était engagé à ne pas se livrer, lors des cérémonies du soixantième anniversaire du Débarquement, à une comparaison publique entre l’Europe de 1944 et l’Irak de 2004. Il a tenu parole, mais cela ne change rien à ses convictions profondes dans ce domaine.

Comme il n’y a rien à lui reprocher, pas grave, il y a toujours quelque chose à reprocher à Georges Bush, d’où le « mais ».

« Le 11 septembre 2001 a été vécu aux Etats-Unis comme un second Pearl Harbor », explique Pierre Lellouche, spécialiste des questions stratégiques à l’UMP. C’est ce qui permet à George Bush d’affirmer que l’Amérique mène, en Irak, le même combat que celui de 1944. Les Etats-Unis se considèrent comme étant en guerre, pas l’Europe. On n’est donc plus dans le registre connu des agacements réciproques franco-américains.

Le 11 Septembre n’était-il pas comme Pearl Harbor ? Frappés en plein coeur, à New-York, avec près de 3.000 victimes, la population des USA et le gouvernement US n’étaient-ils pas supposés tirer comme conclusion logique: « ces gens là nous ont déclaré la guerre » ? Que faut-il de plus ? Il aurait fallu une attaque au gaz ? Une bombe « radiologique » ? une vraie bombe atomique ?
Que la plupart des Européens ne se sente pas en guerre prouve qu’ils ne savent pas tirer de conclusions du 11/9, ou qu’ils se sentent si peu « proches » des Américains qu’ils considèrent que ce conflit ne les concerne pas. Dans un cas « les » Européens forment un lot de victimes futures très intéressantes pour les terroristes, de l’autre ils ont tellement sombré dans le relativisme qu’ils refusent de choisir entre des assassins de masse et l’Amérique néo-libérale. Pourquoi choisir ? Le multiculturalisme, c’est bien, la culture américaine, c’est mal!
En fait c’est un mix des deux: d’une part les Européens n’ont plus de valeur à défendre: ils n’aiment ni leur culture (ils préfèrent celle des Américains et d’ailleurs), ni leur passé (quel passé ? ce ne fut que guerres et horreurs diverses), ni leur futur (pourquoi si peu d’enfants ?), ni leur économie (qu’ils socialisent à tout va)… d’autre part comme on a pu le constater en mars, lors de l’attaque terroriste de Madrid d’intensité égale, à l’échelle de l’Espagne, de celle du 11/9 pour les USA, que les Européens n’ont plus la volonté de se battre, de résister. Ils hissent le drapeau blanc à la première attaque.

C’est infiniment plus sérieux qu’une affaire d’amour propre, ou même que le choc, souvent décrit, de deux nations qui se présentent, aux yeux du reste du monde, comme porteuses d’un message universel. L’affaire de la comparaison entre l’Europe de 1944 et l’Irak de 2004 est donc cruciale. Ghassan Salameh, ancien conseiller de Koffi Annan, raconte que la moitié des officiels américains présents à bord du premier avion qui a atterri à Bagdad après la chute de Saddam Hussein lisaient des livres consacrés à l’Allemagne ou au Japon de 1945.

Oui c’est plus sérieux qu’une brouille diplomatique. Il faut savoir ce que veulent les Européens à long terme: un Moyen Orient démocratisé ou au moins pacifié, ou l’Iran avec la bombe A (ça c’est pour dans 1 an maximum), les Saoudiens exportateurs d’une idéologie de mort, et Israël en ruines fumantes ? Quel est l’objectif européen ? Vivre en « bonne entente » avec les dictateurs en les priant de ne pas exporter chez nous leur principale production, à savoir la haine ? On peut toujours rêver. Et avec les populations musulmanes croissantes en Europe, il y a un vivier de personnes désorientées, mal voire pas intégrées (la faute au socialisme, au SMIC, aux allocs diverses), il y aura bien des volontaires pour le jihad ici en Europe…

C’est infiniment plus sérieux qu’une affaire d’amour propre, ou même que le choc, souvent décrit, de deux nations qui se présentent, aux yeux du reste du monde, comme porteuses d’un message universel. L’affaire de la comparaison entre l’Europe de 1944 et l’Irak de 2004 est donc cruciale. Ghassan Salameh, ancien conseiller de Koffi Annan, raconte que la moitié des officiels américains présents à bord du premier avion qui a atterri à Bagdad après la chute de Saddam Hussein lisaient des livres consacrés à l’Allemagne ou au Japon de 1945.
L’armée japonaise avait été dissoute ? On supprimerait donc, d’un trait de plume, l’armée irakienne. C’était une erreur colossale que les Etats-Unis s’efforcent actuellement de réparer.

Relire mon post sur Pascal Bruckner: ne pas dissoudre cette armée aurait été une énorme erreur, et elle aurait été saluée comme telle par la presse si elle avait été conservée. Face tu perds pile je gagne, c’est le journalisme!
Ceci dit, si l’on compare la libération de l’Irak avec celle de la France, c’est bien parce qu’il y a des éléments communs: un pays sous la botte d’une dictature terrible (nazie/baasiste), sans espoir autre que la délivrance extérieure (faut pas se leurrer, la Résistance malgré un héroïsme réel n’était pas un danger militaire pour la Wehrmacht)…
Le débarquement, comme la libération de l’Iraq, sont des étapes dans une guerre plus vaste: une bataille décisive qu’il est interdit de perdre, qui une fois engagée doit être gagnée à tout prix, sans quoi les conséquences seront lourdes, très lourdes. Combien de temps aurait duré WWII si Overlord avait échoué ? Staline aurait pris possession de l’Europe entière, sauf de l’Italie, libérée par les Alliés, et de l’Angleterre ? Aujourd’hui, si l’opération irakienne rate, l’Iran étendra son empire du Mal jusqu’à l’Euphrate, tandis que l’Arabie Saoudite prendra le contrôle du sud sunnite ? A moins que ce ne soit Ben Laden qui en prenne le contrôle, et qui profite du triomphe pour déposer les rois du pétrole ?
Hier comme aujourd’hui il est interdit de perdre.

Européens et Américains faisaient approximativement la même analyse de la menace soviétique au temps de la guerre froide. Ils étaient donc fondamentalement dans le même camp, comme ils l’avaient été face à Hitler. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Belle lucidité. Malheureusement, si l’Europe n’est pas dans le camp de la liberté, où est-elle ?

Controverse, mes commentaires

Concernant l’échange François-René Rideau/Christian Michel (voir Controverse part I et Controverse part II), voilà mes propres commentaires sur le message de Christian Michel.

1/ Que vaut l’avis des diplomates engagés contre la politique étrangère US ?
Ce sont eux qui pendant des années ont trempé dans les magouilles de l’ONU, qui tournent les yeux au nom de la Realpolitik, qui ont servi de courroie de transmission aux dictateurs etc ?
Désolé, mais étant donné leur « track record« , ils ne méritent aucune confiance. Sans compter que la plupart sont employés maintenant dans des « Instituts » financés par les pays dans lesquels ils exerçaient…

2/

Les faits ne veulent rien dire. Ils ne prennent sens que par les a priori qui informent la perception que nous en avons

Les faits ne veulent rien dire ? Alors on peut les ignorer ? Comme par exemple l’attentat manqué à Amman, dont personne ne parle ? Ou l’obus chargé au sarin, et l’autre au gaz moutarde ? Et les souches virales retrouvées chez des chercheurs irakiens ? et les multiples liens trouvés entre Al Qaeda et le régime assassin de Saddam Hussein ? (Ansar Al Islam, Salman Pak, Al Zarqawi soigné en Irak en 2001, Atta qui rencontre un « dilpomate » irakien en 2000, un membre de l’armée qui participe à une réunion à Kuala Lumpur de préparation de 9/11…)
Certes l’interprétation est importante, mais si les faits ne veulent rien dire alors il devient plus facile pour défendre une position intellectuelle de les ignorer…

3/ Les « pro-américains » au Moyen Orient
Ils existent, et certains tiennent des blogs. Pourquoi M. Michel ne se donne pas la peine de les lire ? Pourquoi ne prend-il pas le temps de se documenter sur ce sujet ?
Les pro-Américains en Iraq sont maintenant libres de s’exprimer sur le sujet, et ils ne se privent pas. Qu’en est-il en Arabie Saoudite ou en Iran ?

Pour conclure, je citerai François Guillaumat:

La prétention à définir une politique étrangère a priori implique l’illusion de ne pas avoir besoin de connaître les faits

Controverse, part II

Après le message de Christian Michel, voici la réponse de François-René Rideau:

Cher Christian,
comme je t’aime beaucoup, je vais répondre à ton précédent email, que je trouve particulièrement injuste.

Le bon sens me dit ceci. Il existe une classe éclairée au Moyen Orient. Tous les Arabes ne sont pas des poseurs de bombes. Les Bushistes ne me contrediront pas, puisqu’ils comptent sur cette classe pour être la courroie de transmission de leur politique _après_ la croisade (Irak + Israël +… +… +…).

Je me demande simplement pourquoi pas _avant_ ?

Qui te dit qu’ils ne font pas déjà tous leurs efforts pour cela? Comment suggères-tu qu’ils le fassent plus qu’ils ne le font?

Car le conflit n’est pas entre le MO et l’Occident, mais entre une minorité de fondamentalistes musulmans, d’une part, et la bourgeoisie occidentalisée du MO et l’Occident, d’autre part.

Nous sommes tous d’accord dessus, y compris les néo-conservateurs. Quoiqu’à vrai dire, les néo-conservateurs croient en la démocratie à l’américaine (y compris le respect des droits individuels) comme à une valeur universelle qui ne vaut pas que pour « la bourgeoisie occidentalisée », mais pour tous, du plus humble au plus riche. Je pense autant du libéralisme.

Au lieu de favoriser cette occidentalisation, le bushisme en fait localement l’équivalent d’une collaboration avec l’ennemi.

Ça c’est ton interprétation. Le débarquement en Normandie a-t-il fait de la République restaurée une collaboration avec l’ennemi ? L’occupation de l’Allemagne a-t-il fait de la démocratie fédérale une collaboration ? L’intervention au Vietnam a-t-il fait de la résistance au communisme une collaboration ? Non. Ce sont des interprétations marxistes. Pire, ce sont des instances de magie noire. Tu pourras dire que « malheureusement, la magie noire règne« . Si tu prends cela comme un fait, tu as baissé les bras quand au libéralisme.

Les néo-conservateurs, qu’ils se trompent ou pas, pensent eux que les irakiens verront plus loin que ça, et sauront reconnaître les bienfaits de la démocratie à l’américaine. À la rigueur, ils se moquent bien de ce que l’Irak libre, telle la France, suinte un anti-américanisme ingrat, tant que dans les fait, il embrasse les valeurs de l’occident et devient un modèle pour les autres pays arabes.

Beaucoup d’Arabes ne peuvent plus se permettre aujourd’hui, moralement et physiquement, d’afficher leur pro occidentalisme.

Parce que tu crois qu’ils le pouvaient avant, ou qu’ils le pourraient sinon ? Le terrorisme intellectuel des collectivistes règne depuis longtemps sur le monde arabe, et le parti Baas (national socialiste) et n’en est qu’un tentacule parmi d’autres, le plus véhément semblant être l’islamo-fascisme wahhabite.

La France n’est pas anti-américaine à cause de son opposition à la Guerre en Irak — la France est contre la Guerre en Irak à cause de son anti-américanisme. Bush n’aurait pas fait la guerre, il serait accusé de ne rien faire, d’être un gendarme du monde qui laisse faire les dictateurs, etc. De même que leur non-intervention en Afghanistan suscitait la haine des américains, leur intervention suscitait la même haine et déjà le fantasme qu’ils s’embourbent.

Les gauchistes détestent les patrons quand ils font des profits, et détestent les patrons quand ils font faillite; ils les détestent encore — et les méprisent par surcroît — quand ils survivent sans grand profit. La haine les pousse, et si tu es patron, tu peux faire ce que tu voudras, quoi que tu fasses, ce sera toujours prétexte à dénonciation et détestation.

Les néo-conservateurs croient que la libération de l’Irak, si elle effraie les journaleux à la solde des pouvoirs établis du monde arabe, suscite silencieusement l’espoir de tous les opprimés du monde arabe, qui regardent avec envie l’Irak, et aspireront eux aussi à la liberté, et à suivre l’exemple de ce pays libéré.

Les néo-cons se trompent peut-être. Mais c’est bien ce qu’ils croient. Tu es injuste envers eux, envers la raison, envers toi-même, quand tu travestis leur pensée.

Les Américains installeront ici et là des Pétain et des Quisling. Si convaincu que puisse être un bushiste de son bon droit, ou au contraire, si cynique soit-il, je me demande si même lui peut respecter de tels politiciens.

C’est au contraire la continuation de Saddam contrôlé par l’ONU qui était vécue comme l’installation d’un Quisling. Qu’ils se trompent ou non, les néo-conservateurs sont très sérieux dans leur foi en la démocratie.

Quant aux Arabes eux-mêmes……

Ils font ce qu’ils ont toujours fait pour survivre: sentir de quel côté le vent tourne, et minimiser la surface d’exposition. Dans les dictatures où ils vivent, ceux qui ne sont pas devenus maîtres à ce jeu sont tous morts, ou pourrissent en prison. Et ne croit pas qu’ils sont plus sincères que ça quand ils défilent contre l’Amérique: ceux qui sont sincères au point de mourir pour cette cause gagnent ipso facto leur Darwin Award. Non. La plupart s’adaptent, et apprennent une détestation formelle qui n’a pas d’autre substance que de se plier aux coutumes locales.

En définitive, la question est celle-ci : Une opinion publique pro occidentale n’existe-t-elle au MO qu’à l’état de trace (comme les pro soviétiques dans les pays du bloc de l’Est ?).

Je dirais plutôt comme les pro-américains dans les pays du bloc de l’Est. Les pro-soviétiques étaient au contraire la majorité officielle et même si personne n’y croyait vraiment, tout le monde était communiste, et la façon communiste de penser corrompait tous les esprits. Dans les dictatures arabes, l’idéologie national-socialiste-islamiste agit de même. Et même en Irak, les terroristes armés font peur aux honnêtes gens.

Au lieu de faire interdire les armes en Irak, les américains devraient rendre la Kalachnikoff obligatoire dans chaque foyer — et de préférence dans les mains d’une mère de famille. Avec séance d’entraînement au tir obligatoire tous les vendredi, pendant que les hommes sont à la mosquée. Voilà qui pacifierait définitivement le monde arabe.

Auquel cas, il faut que les bushistes changent leur discours, reconnaissent qu’ils n’ont aucun support local et vont devoir occuper militairement cette région des décennies durant (ce qui ne gênera pas ceux à Washington qui rêvent d’empire).

Voilà qui me déçoit grandement de toi. Il n’y a pas grand monde à Washington qui rêve d’Empire. Sois en désaccord avec les néo-cons sur les conséquences effectives de leurs actes, mais ne déforme pas leur pensée et leurs motivations! Le pari — fou peut-être — des néo-cons est que l’Irak va très vite se démocratiser et devenir un phare de la démocratie et de la prospérité dans le monde arabe.

Ou alors, ces pro occidentaux sont nombreux au MO, ou pourraient le devenir, pourraient former une élite, auquel cas il faut expliquer pourquoi la politique américaine s’acharne à les marginaliser, ridiculiser, humilier, aux yeux de leurs compatriotes.

La politique US ne « s’acharne » aucunement dans ce sens. Tu peux penser que cela est la conséquence nécessaire de leurs actes, l’intention en est opposée.

Encore une fois, je ne cherche pas à justifier les néo-cons. Leur foi n’est pas la mienne, leur combat n’est pas le mien. Nous avons des choses en commun, et des oppositions radicales; mais la question importante est qu’eux et moi contrôlons des ressources disjointes — ils font ce qu’ils croient bon avec les leurs, je fais ce que je crois bon avec les miennes, et ça a peu à voir avec l’Irak. Je n’ai pas à les soutenir, pas plus qu’à les opposer. Là où j’interviens et investis mes ressources, c’est quand je vois la campagne de désinformation dont ils sont l’objet, particulièrement en France, qui participe d’un phénomène plus large de décervelage systématique, et dont je m’attriste personnellement que tu participes. Je suis « anti-idiotarian« . Je veux bien qu’on s’oppose aux néo-cons, mais par pour des fausses raisons qui sont la justification de pire encore.

(Bien sûr, les ressources dont les néo-cons disposent sont en grande partie acquises illégitimement par la taxation et la réglementation; elles le seraient tout autant dans les mains de pacifistes gauchistes. C’est une question parfaitement indépendante de celle de la guerre. La France, sans faire la guerre, a plus de taxation et de réglementation. Et un démocrate pacifiste ne ferait pas évidemment mieux de ce point de vue. — tout autant de spoliation voir davantage, dans le sens d’un mal plus grand.)

Est-ce que dans la pratique les américains arrivent à convaincre les irakiens? C’est aux irakiens qu’il faut le demander.
Quand je lis les blogs irakiens, je trouve la même diversité d’opinions que dans n’importe quelle démocratie occidentale (et donc nettement plus que dans les médias officiels français), et je trouve ça très rassurant. En tout cas, il semble que
(1) l’interprétation que font les uns et les autres des événements tient à leurs a priori.
(2) la façon d’agir sur ces a priori n’est pas plus par des arguments raisonnés que par l’imposition armée d’opinion, mais par le changement contextuel sur la vie des gens.
C’est en libérant les irakiens qu’on change le méta-contexte par lequel ils interprètent la vie de façon plus libérale. C’est dans les changements effectués sur la vie civile que les américains gagnent ou perdent — et malheureusement, c’est l’aspect du jihad américain le moins publicisé, car il n’est pas fait d’événements courts et spectaculaires, mais d’efforts continus sur le long-terme. Est-ce qu’ils y arrivent? Je ne sais pas, mais ce que je lis m’emplis d’espoir autant que de doute.

Pour finir, la seule façon de désarmer un terroriste, c’est de le tuer, de l’emprisonner, ou de faire subir le même sort à son chef, à ses complices, à ses protecteurs, à ses fournisseurs en logistique, etc. Un terroriste aussi voit le monde à travers ses a priori, et ces a priori lui disent de tuer des innocents jusqu’à ce que son paradis se réalise sur terre (ce qui dans la pratique veut donc dire sans fin autre possible que sa mise hors d’état de nuire comme ci-dessus). Mettre en pratique les valeurs libérales, c’est essentiel pour que la génération suivante ne soit pas terroriste, mais ça n’a jamais désarmé un seul terroriste actuel.

Le libéralisme dans tout ça? Dans laissez-faire, il y a FAIRE. En fait, la réponse d’origine était laissez NOUS faire. Que le chaque individu fasse, libre et responsable, ce qu’il pense être le mieux, au lieu d’être obligé de faire ou ne pas faire selon les édits des princes. Une des choses à faire, c’est faire pousser des denrées alimentaires; une autre chose est d’échanger du vin contre du coton; encore une autre, d’enseigner ce que l’on croit utile à ceux qui le trouvent utile; une enfin est d’arrêter les criminels, petits et grands. Et parmi ces criminels, un infâme comme Saddam Hussein pas moins que d’autres.

Je n’ai aucun a priori contre la guerre. La guerre est le seul traitement possible contre un forcené. Bien sûr, comme tout libéral qui se respecte, je sais que l’État fait généralement mal la guerre, et fait généralement les mauvaises guerres, et ce pour des raisons structurelles. De même qu’il fait mal pousser les mauvaises denrées, que les « affaires » qu’il fait sont autant de déficits, qu’il enseigne mal une propagande abjecte, etc. Cela ne veut pas dire que je souhaite qu’il échoue quand il s’en prend effectivement à des criminels, de même que je souhaite pas son échec, et la famine, la ruine ou la bêtise qui s’ensuivent, quand il prend en main l’agriculture, quand il nationalise une entreprise ou quand il enseigne les mathématiques. Je ne crois pas en la politique du pire. Je ne veux pas sacrifier l’abondance, la prospérité et la culture à ma détestation d’un moyen contre-productif pour les atteindre.

Bref, je préfère les brigades internationales de volontaires et mercenaires payés par des donateurs aux armées de conscrits et de fonctionnaires payés par les contribuables. Mais étant donné les criminels qui sévissent, je ne place pas ce souhait structurel quant aux moyens devant la fin de leur entreprise, qui est bel et bien la mise hors d’état de nuire des grands criminels. Entre toutes les améliorations qu’un même quantum d’effort peut apporter, il faut choisir, et la libéralisation du marché de la sécurité est un résultat possible d’efforts parmi d’autres, qui me semble plus coûteux et plus éloigné que l’arrestation de criminels effectifs aujourd’hui et demain. Cela ne veut pas dire que je renonce à cet espoir éloigné; au contraire: car penser au long terme n’a aucun sens sans l’exigence de survivre à court terme.

Ainsi, le message libéral n’est pas « cessez de faire la guerre, toute guerre, quelle qu’elle soit ». Il est « laissez NOUS faire (ou ne pas faire) la guerre, selon notre convenance, de la façon qui nous sied ». Bien sûr, faire la guerre à des innocents est criminel; mais la faire à des criminel est innocent. Et encore une fois, ce n’est pas une affaire de JUSTICE, mais de POLICE. Si le criminel accepte une pacification avec ses victimes, avec ou sans arbitre, tant qu’elle est mutuellement acceptée, il n’y a pas lieu de faire la moindre opération de police — toute violence serait effectivement criminelle. Mais un criminel forcené, qui refuse explicitement toute paix, est FAIR GAME — tout le monde peut le tuer, le torturer, lui faire bouffer ses propres testicules, etc.

Bien sûr, du droit à la morale, il y a un pas — tu me l’as appris. Si j’éviterai de tuer ou torturer un criminel forcené dès lors que j’aurai l’occasion de régler le problème de façon moins violente, ce n’est pas le moins du monde par respect envers ses droits — il n’en a strictement AUCUN. Mais c’est bien par respect pour moi-même: je crains pour moi-même la dégradation d’utiliser de tels moyens, autant que la possible responsabilité de faire subir par erreur un bien triste sort à des innocents (qui est en fait la justification profonde de ce que de tels moyens soient dégradants). Mais je revendique ma légitime propriété de ce choix, comme celle de chacun sur ses propres actions légitimes.

Vous pouvez aussi lire mes propres commentaires sur le sujet (je vous rassure, Faré a quasiment tout dit).

Controverse, part I

Suite à cet article (Désarmer les terroristes en mettant en pratique les valeurs libérales) publié dans le Québécois Libre, une controverse est née via mail entre lui et, entre autres, François Guillaumat. Voici ci-dessous l’un des messages de Christian Michel, auteur de l’article incriminé:

Nous savons pour avoir réfuté Marx que le travail n’est pas créateur de valeur. On peut dépenser du temps et de l’énergie à étudier un événement et n’y rien comprendre, bien moins en tout cas que tel autre qui en a saisi d’emblée les enjeux.

Les heures que François Guillaumant a consacrées à l’étude du Moyen Orient ne me paraissent pas un argument bien convaincant, mais si c’est pourtant d’heures qu’il s’agit, j’opposerai l’avis des diplomates britanniques et américains que j’ai mentionnés dans mon papier, qui font des affaires étrangères leur métier, ont été souvent postés au Moyen Orient, et sont en total désaccord avec lui.

Les faits ne veulent rien dire. Ils ne prennent sens que par les a priori qui informent la perception que nous en avons. Lorsque les experts ne peuvent se mettre d’accord sur la lecture des évènements, ce qui est le cas ici, nous ne pouvons que revenir à nos principes et à notre bon sens.

Le bon sens me dit ceci. Il existe une classe éclairée au Moyen Orient. Tous les Arabes ne sont pas des poseurs de bombes. Les Bushistes ne me contrediront pas, puisqu’ils comptent sur cette classe pour être la courroie de transmission de leur politique _après_ la croisade (Irak + Israël +… +… +…).

Je me demande simplement pourquoi pas _avant_ ?

Car le conflit n’est pas entre le MO et l’Occident, mais entre une minorité de fondamentalistes musulmans, d’une part, et la bourgeoisie occidentalisée du MO et l’Occident, d’autre part. Au lieu de favoriser cette occidentalisation, le bushisme en fait localement l’équivalent d’une collaboration avec l’ennemi. J’aime Wagner, mais si j’avais été directeur d’opéra en 1943, je n’aurais pas programmé Lohengrin. Je me serais senti obligé, quelque ennui que ces compositeurs eussent pu m’inspirer, de faire jouer du Saint-Saëns, du Debussy, voire du Mendelssohn. Beaucoup d’Arabes ne peuvent plus se permettre aujourd’hui, moralement et physiquement, d’afficher leur pro occidentalisme.
Les Américains installeront ici et là des Pétain et des Quisling. Si convaincu que puisse être un bushiste de son bon droit, ou au contraire, si cynique soit-il, je me demande si même lui peut respecter de tels politiciens. Quant aux Arabes eux-mêmes……

En définitive, la question est celle-ci :
Une opinion publique pro occidentale n’existe-t-elle au MO qu’à l’état de
trace (comme les pro soviétiques dans les pays du bloc de l’Est ?). Auquel cas, il faut que les bushistes changent leur discours, reconnaissent qu’ils n’ont aucun support local et vont devoir occuper militairement cette région des décennies durant (ce qui ne gênera pas ceux à Washington qui rêvent d’empire).

Ou alors, ces pro occidentaux sont nombreux au MO, ou pourraient le devenir, pourraient former une élite, auquel cas il faut expliquer pourquoi la politique américaine s’acharne à les marginaliser, ridiculiser, humilier, aux yeux de leurs compatriotes.

Lisez maintenant la réponse de François-René Rideau: Controverse, part II.

Démission de Tenet

La démission de Georges Tenet est éventuellement à rapprocher de « l’affaire » Chalabi: puisque Chalabi, accusé d’avoir fourni de mauvaises informations à la CIA, donc d’être responsable in fine des multiples erreurs et manquements de la CIA concernant l’Iraq, résiste fort bien aux attaques à son encontre, c’est donc que la CIA était responsable… et la CIA c’est Georges Tenet…
Dans la guerre de clans à Washington, une première tête vient de tomber, et non des moindres. On ne peut que s’en réjouir.

(ps: j’essayerai de donner des liens sur ce développement dans la journée, mais pour l’instant il faudrait que je pense à aller… travailler)

Update: article dans Newsmax et un autre dans The New Republic.

Cascade

Difficile d’y voir clair en ce moment concernant Ahmed Chalabi, chef de l’Iraqi National Congress. Son arrestation par (semble-t-il) la CIA sur ordre de Bremer met une sacrée pagaille: Chalabi est-il un agent iranien ? Le doute subsiste.

Dans le même temps beaucoup de Kurdes s’impatientent, alors que Bremer leur affirme que Kirkurk n’est pas une ville kurde.

Et avec ça l’envoyé de l’ONU, lié à la famille de Jordanie via sa fille, se met les Shiites à dos, et les Kurdes par la même occasion.

En résumé:

La gestion politique de l’Iraq par Paul Bremer, envoyé par le Department of State (le ministère des affaires étrangères US), ne s’arrange pas:

– mise à dos des alliés kurdes sur l’histoire de Kirkurk

– grincements de dents vis-à-vis de l’envoyé de l’ONU

– arrestation de Chalabi soutenu par Rumsfeld et l’armée US

Vu que Chalabi a été arrêté sur ordre de la CIA et du DoS alors que l’armée semble lui accorder une grande confiance et qu’il était protégé par Rumsfeld, son arrestation ressemble à l’expression d’une guerre interne DoS/DoD au sein même du gouvernement de George W Bush. Cela est extrêmement grave et mériterait une mise au point interne entre Bush, Powell et Rumsfeld. Et éventuellement une reprise en main par Rumsfeld de toute la partie politique… Bremer, lui, doit être mis immédiatement sur la touche.