Vanité de l’impuissance

Je me demandais ce qu’avait pu pondre Le Monde au sujet des commémorations du 11 Septembre, et j’ai ma réponse: Vanité de la puissance, édito du 11 septembre 2007:

Voilà six ans, les attentats du 11 septembre contre le World Trade Center à New York et contre le Pentagone à Washington faisaient éclater la contradiction entre la toute-puissance et la vulnérabilité américaines. Pour la première fois depuis la guerre avec la Grande-Bretagne, en 1812, les Etats-Unis étaient agressés sur leur sol. Ils ont réagi en « hyperpuissance », cherchant à entraîner derrière eux leurs alliés et, au-delà, toute la communauté internationale dans une guerre totale contre le terrorisme.

Le concept de guerre totale s’entend comme l’utilisation de tous les moyens d’un Etat (diplomatiques, économiques, financiers, propagande…) pour parvenir à gagner une guerre, au lieu d’une vision restrictive limitée aux seuls moyens militaires. Au vu de la réponse américaine après le 11 septembre, on aimerait que la guerre soit totale, notamment sur le plan idéologique. Malheureusement son volet purement militaire, il faut le déplorer, est prépondérant.

Ils ont réussi à former cette « coalition des volontaires » pour combattre en Afghanistan les talibans, qui avaient accueilli et soutenu Ben Laden. Ils ont échoué à reconstituer cette alliance quand ils ont voulu chasser Saddam Hussein du pouvoir par la force. La solidarité quasi spontanée dont ils avaient été l’objet, au lendemain du 11 septembre 2001, s’est muée au mieux en méfiance, au pire en hostilité. Jamais la cote de popularité des Etats-Unis, et de leur président, n’a été aussi faible sur tous les continents.

Ils ont échoué ? Ou bien d’autres pays aux intérêts plus que douteux, avec un ONU complètement discrédité par l’affaire « Oil for food » (programme « pétrole contre nourriture »), n’ont pas voulu suivre ? La Russie poutinienne, fournisseur d’armes à l’Iran et la Syrie, la Chine avide de pétrole à tout prix et adversaire stratégique des Etats-Unis, la France, petite nation sans grande importance qui tente d’exister par opposition aux Etats-Unis ? Ou bien pour Le Monde la Pologne, la Corée du Sud, l’Australie, le Japon, et bien d’autres, ne comptent pas ?

En multipliant les contrôles et en n’hésitant pas à limiter les libertés individuelles (surtout celles des étrangers sur leur sol), les Américains ont pu jusqu’à maintenant se mettre à l’abri de nouveaux attentats d’Al-Qaida. Ce qui ne veut pas dire qu’ils sont devenus plus imperméables à de telles attaques que les autres démocraties. Six ans après le 11 septembre 2001, ils sont à peine moins vulnérables et ils ne sont plus tout-puissants. Si les Etats-Unis restent le pays le plus fort militairement, leur puissance se heurte sur le terrain, en Afghanistan comme en Irak, aux dures réalités de la guerre de guérilla. La révolution technologique dans les affaires militaires ne paraît pas plus adaptée à cette situation que les gros bataillons.

Peut-être la relative sécurité américaine tient au fait que les terroristes sont occupés à se battre chez eux plutôt qu’à planifier des attentats aux Etats-Unis ? Peut-être qu’enfin des agents des divers services de sécurité US s’intéressent et sont soutenus financièrement et humainement pour lutter contre les terroristes ? Et pourquoi l’Europe, où les mesures liberticides sont pires qu’aux Etats-Unis et depuis plus longtemps, des attentats se sont produits ?

Et quid de l’avantage technologique dans la guerre de guérilla ? Les UAV ? Les détecteurs de « IED » (les « bombes improvisées ») ? Tous les moyens d’écoute ? Les pertes américaines en Iraq comme en Afghanistan sont mineures relativement à l’engagement humain, et ce sont les médias comme Le Monde qui voudraient nous faire croire le contraire. Il n’y aurait pas de solution contre la guérilla! Il faut hisser le drapeau blanc à chaque fois qu’une menace « asymétrique » se présente alors ?

Sur le plan politique, le bilan de ces six dernières années n’est pas plus brillant. L’idée utopique de démocratisation du Grand Moyen-Orient s’est enlisée dans les sables de la Mésopotamie. En revanche, l' »axe du mal » s’est renforcé avec l’Iran d’Ahmadinejad. Celui-ci cherche à tirer profit de l’impopularité des Américains – et des Occidentaux en général -, qu’il juge partout sur la défensive, de l’Afghanistan à la Palestine. Persuadé que George W. Bush, pris dans le bourbier irakien, ne peut se lancer dans un autre conflit, il continue son programme nucléaire sans prêter attention aux avertissements et aux sanctions.

Utopie un Iraq démocratique ? Et pourquoi pas ? Les Iraqiens seraient-ils incapables de comprendre le concept et de l’appliquer ? Les balbutiements sont difficiles, certes, mais faut-il pour autant abandonner toute prétention à l’appliquer ? Les Iraqiens sont condamnés à la dictature ? On rêve!
A propos du perse fou, son délire nucléaire date de bien avant la bataille d’Iraq. Le réacteur de Busher, construit par les Russes, l’usine de Natanz, le développement de missiles ballistiques (merci la Corée du Nord), tout cela ne s’est pas fait en 4 ans. Qu’Ahmadinejad se sente pousser des ailes, puisqu’en face de lui aucun front uni, aucune détermination réelle à l’arrêter! A part les Etats-Unis et Israël, qui ? Les Chinois sont bien trop contents d’acheter du pétrole, les Russes de vendre leur surplus de missiles! Les Européens ? Dites moi comment!

Le président américain est convaincu que les difficultés présentes ne sont que des péripéties, comparées au jugement de l’Histoire, qui lui rendra justice. En attendant, il place les autres démocraties occidentales et ses alliés dans une position des plus inconfortables, partagés entre la désapprobation d’une politique dangereuse et les pétitions d’amitié pour un grand peuple qui se trompe.

Bush aura raison, dans 10 ans, dans 20 ans, comme Reagan avait raison en 1981. L’URSS pouvait être vaincu. Et l’islamisme peut l’être. Si cela est impossible, faut-il envisager de vivre avec une menace terroriste permanente au-dessus de nos têtes ? Faut-il se résigner à un Iran nucléaire, un Hezbollah nucléaire, Israël « rayé de la carte » (selon la promesse d’Ahmadinejad), et aux banlieues européennes enflammées par l’Islam radical iranien ou wahabbite ? Doit-on faire une croix à tout jamais sur des démocraties au Moyen Orient ?
Si aucune des solutions proposées ne fonctionne, ni guerre, ni accommodements (déjà tentés par le passé, avec quels succès!), ni combat idéologique (implanter la démocratie), il faut s’habituer ? Se convertir ? Se laisser tuer petit à petit ?

Décidément nos élites européennes n’ont rien à proposer, si ce n’est le nihilisme (rien ne marche), le mépris (des Américains, des Iraqiens), de la condescendance (nous on sait mieux que tous les autres)… Que défend Le Monde ? Que propose Le Monde ? Les réponses: rien et rien. 6 ans après le 11 Septembre, c’est le vide.

  1. Le Monde ne propose pas « rien », il suggère la reddition et la soumission. Les journalistes occidentaux, et avec eux les soi-disant élites du continent, montre toujours autant d’avidité à adhérer à l’utopie du moment. Noyés dans le nihilisme et le cynisme, ils n’arrivent qu’à reconnaître la force des adversaires qui combattent l’occident, et n’accordent rien à ceux qui le défendent. De fait, la bataille est perdue d’avance pour eux.

    Ce désespoir mal articulé ne participerait que qu’un amusant cynisme sans conséquences, mais malheureusement les islamistes lisent aussi le Monde et sont rassérénés par ce qu’ils y lisent. Le manque de vigueur des éditorialistes se traduit directement en encouragement pour l’ennemi.

  2. Le Monde donne dans les prédictions auto-réalisatrices, comme tous les journalistes. Ils espèrent « faire l’opinion », et ils y arrivent dans une certaine mesure. Alors il leur suffit de déclarer la guerre « perdue » pour qu’elle le soit, quelle que soit la réalité. C’est le rêve de la puissance médiatique, et si les Etats-Unis donnent dans la « vanité de la puissance », Le Monde donne dans la « vanité de l’impuissance ». Et c’est pathétique.

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