Category Archives: Réflexion

Prédictions

Ce ne sont pas les miennes, ce sont celles de Steven Den Beste:

1. Obama’s « hold out your hand to everyone » foreign policy is going to be a catastrophe. They’ll love it in Europe. They’re probably laughing their heads off about it in the middle east already.

2. The US hasn’t suffered a terrorist attack by al Qaeda since 9/11, but we’ll get at least one during Obama’s term.

3. We’re going to lose in Afghanistan.

4. Iran will get nuclear weapons. There will be nuclear war between Iran and Israel. (This is the only irreversibly terrible thing I see upcoming, and it’s very bad indeed.)

L’attitude soulignée dans la prédiction 1 révèle déjà ses premiers effets avec l’annonce de la Russie de l’installation de missiles près de la frontière polonaise, et nul doute que ce n’est qu’un début.

Sur le point 2, je suis plus mesuré. Si les efforts de sécurité ne se relâchent pas, pourquoi une nouvelle attaque ? Mais si effectivement la prédiction 3 se réalise, nul doute que la 2 devient nettement plus probable.

Sur la 3: le pire, ce n’est pas l’Afghanistan. C’est un point de fixation, l’Afghanistan. Le rendez-vous où viennent se faire tuer en masse les jihadistes. Ils apprennent à tenir une kalash, font une balade en montagne, passent la frontière, reçoivent un missile, et se tapent 72 vierges au paradis avant même d’avoir tripoté une femme pour la première de leur vie terrestre. Maintenant ils pourront s’entraîner tranquillement, et iront en Iraq… ou ailleurs. Et c’est là la catastrophe. L’Iraq est à mon avis perdu.

Le point 4 ? Oui, désormais c’est une certitude, l’Iran aura l’arme atomique. Quand, je n’en sais rien, mais certainement très vite, en tout cas avant la fin du terme d’Obama (janvier 2013). Le calendrier des évènements:

  • 2009: l’Iran insère de plus en plus d’agents en Iraq. L’armée US se retire progressivement, l’aide militaire est de plus en plus restreinte (sorties aériennes, reconnaissances, patrouilles conjointes, formation, don de matériel…)
  • 2010, l’Iran a la bombe, et les USA quittent l’Iraq. L’Iran teste sa première bombe après que les derniers soldats US ont quitté l’Iraq.
  • 2011: échaudés par les frappes à répétition sur son sol, le Pakistan bloque le passage du ravitaillement US vers l’Afghanistan sur son sol. La situation des troupes US est très précaire, et doivent se retirer progressivement. Le Pakistan autorise le survol pour la sortie des troupes US. La situation en Iraq se dégrade.
  • 2012: révolution islamique en Iraq. Le Hezbollah lance sa 3ème guerre contre Israël. Téhéran prévient qu’une riposte « disproportionnée » d’Israël entraînera de graves conséquences. 10 jours plus tard, un missile à charge nucléaire est envoyée sur Israël par l’Iran. Espérons que d’ici là les boucliers anti-missiles soient suffisamment efficaces pour l’intercepter, sinon je ne donne pas cher de Téhéran, mais cela veut dire immédiatement réaction en chaîne dans tous les autres pays de la région avec révoltes populaires et les armées qui demanderont la guerre totale contre Israël. Combien d’autres pays subiront le feu nucléaire d’Israël ?

Bon, ce ne sont pas des prédictions. Je n’ai pas vraiment d’idées sur comment la situation pourrait tourner. Mais il est certain qu’Obama va marcher sur des oeufs entre l’Iraq, Israël, l’Iran etc. Malheureusement l’incertitude plane, et tous les ennemis de la liberté vont tenter d’en profiter. Tough times ahead.

N’ayez pas peur

Quand le Pape prononce ces mots:

N’ayez pas peur de donner votre vie au Christ

tout le monde comprend leur signification spirituelle. Si un imam disait:

N’ayez pas peur de donner votre à Allah

comment le comprendriez-vous ?

Vanité de l’impuissance

Je me demandais ce qu’avait pu pondre Le Monde au sujet des commémorations du 11 Septembre, et j’ai ma réponse: Vanité de la puissance, édito du 11 septembre 2007:

Voilà six ans, les attentats du 11 septembre contre le World Trade Center à New York et contre le Pentagone à Washington faisaient éclater la contradiction entre la toute-puissance et la vulnérabilité américaines. Pour la première fois depuis la guerre avec la Grande-Bretagne, en 1812, les Etats-Unis étaient agressés sur leur sol. Ils ont réagi en « hyperpuissance », cherchant à entraîner derrière eux leurs alliés et, au-delà, toute la communauté internationale dans une guerre totale contre le terrorisme.

Le concept de guerre totale s’entend comme l’utilisation de tous les moyens d’un Etat (diplomatiques, économiques, financiers, propagande…) pour parvenir à gagner une guerre, au lieu d’une vision restrictive limitée aux seuls moyens militaires. Au vu de la réponse américaine après le 11 septembre, on aimerait que la guerre soit totale, notamment sur le plan idéologique. Malheureusement son volet purement militaire, il faut le déplorer, est prépondérant.

Ils ont réussi à former cette « coalition des volontaires » pour combattre en Afghanistan les talibans, qui avaient accueilli et soutenu Ben Laden. Ils ont échoué à reconstituer cette alliance quand ils ont voulu chasser Saddam Hussein du pouvoir par la force. La solidarité quasi spontanée dont ils avaient été l’objet, au lendemain du 11 septembre 2001, s’est muée au mieux en méfiance, au pire en hostilité. Jamais la cote de popularité des Etats-Unis, et de leur président, n’a été aussi faible sur tous les continents.

Ils ont échoué ? Ou bien d’autres pays aux intérêts plus que douteux, avec un ONU complètement discrédité par l’affaire « Oil for food » (programme « pétrole contre nourriture »), n’ont pas voulu suivre ? La Russie poutinienne, fournisseur d’armes à l’Iran et la Syrie, la Chine avide de pétrole à tout prix et adversaire stratégique des Etats-Unis, la France, petite nation sans grande importance qui tente d’exister par opposition aux Etats-Unis ? Ou bien pour Le Monde la Pologne, la Corée du Sud, l’Australie, le Japon, et bien d’autres, ne comptent pas ?

En multipliant les contrôles et en n’hésitant pas à limiter les libertés individuelles (surtout celles des étrangers sur leur sol), les Américains ont pu jusqu’à maintenant se mettre à l’abri de nouveaux attentats d’Al-Qaida. Ce qui ne veut pas dire qu’ils sont devenus plus imperméables à de telles attaques que les autres démocraties. Six ans après le 11 septembre 2001, ils sont à peine moins vulnérables et ils ne sont plus tout-puissants. Si les Etats-Unis restent le pays le plus fort militairement, leur puissance se heurte sur le terrain, en Afghanistan comme en Irak, aux dures réalités de la guerre de guérilla. La révolution technologique dans les affaires militaires ne paraît pas plus adaptée à cette situation que les gros bataillons.

Peut-être la relative sécurité américaine tient au fait que les terroristes sont occupés à se battre chez eux plutôt qu’à planifier des attentats aux Etats-Unis ? Peut-être qu’enfin des agents des divers services de sécurité US s’intéressent et sont soutenus financièrement et humainement pour lutter contre les terroristes ? Et pourquoi l’Europe, où les mesures liberticides sont pires qu’aux Etats-Unis et depuis plus longtemps, des attentats se sont produits ?

Et quid de l’avantage technologique dans la guerre de guérilla ? Les UAV ? Les détecteurs de « IED » (les « bombes improvisées ») ? Tous les moyens d’écoute ? Les pertes américaines en Iraq comme en Afghanistan sont mineures relativement à l’engagement humain, et ce sont les médias comme Le Monde qui voudraient nous faire croire le contraire. Il n’y aurait pas de solution contre la guérilla! Il faut hisser le drapeau blanc à chaque fois qu’une menace « asymétrique » se présente alors ?

Sur le plan politique, le bilan de ces six dernières années n’est pas plus brillant. L’idée utopique de démocratisation du Grand Moyen-Orient s’est enlisée dans les sables de la Mésopotamie. En revanche, l' »axe du mal » s’est renforcé avec l’Iran d’Ahmadinejad. Celui-ci cherche à tirer profit de l’impopularité des Américains – et des Occidentaux en général -, qu’il juge partout sur la défensive, de l’Afghanistan à la Palestine. Persuadé que George W. Bush, pris dans le bourbier irakien, ne peut se lancer dans un autre conflit, il continue son programme nucléaire sans prêter attention aux avertissements et aux sanctions.

Utopie un Iraq démocratique ? Et pourquoi pas ? Les Iraqiens seraient-ils incapables de comprendre le concept et de l’appliquer ? Les balbutiements sont difficiles, certes, mais faut-il pour autant abandonner toute prétention à l’appliquer ? Les Iraqiens sont condamnés à la dictature ? On rêve!
A propos du perse fou, son délire nucléaire date de bien avant la bataille d’Iraq. Le réacteur de Busher, construit par les Russes, l’usine de Natanz, le développement de missiles ballistiques (merci la Corée du Nord), tout cela ne s’est pas fait en 4 ans. Qu’Ahmadinejad se sente pousser des ailes, puisqu’en face de lui aucun front uni, aucune détermination réelle à l’arrêter! A part les Etats-Unis et Israël, qui ? Les Chinois sont bien trop contents d’acheter du pétrole, les Russes de vendre leur surplus de missiles! Les Européens ? Dites moi comment!

Le président américain est convaincu que les difficultés présentes ne sont que des péripéties, comparées au jugement de l’Histoire, qui lui rendra justice. En attendant, il place les autres démocraties occidentales et ses alliés dans une position des plus inconfortables, partagés entre la désapprobation d’une politique dangereuse et les pétitions d’amitié pour un grand peuple qui se trompe.

Bush aura raison, dans 10 ans, dans 20 ans, comme Reagan avait raison en 1981. L’URSS pouvait être vaincu. Et l’islamisme peut l’être. Si cela est impossible, faut-il envisager de vivre avec une menace terroriste permanente au-dessus de nos têtes ? Faut-il se résigner à un Iran nucléaire, un Hezbollah nucléaire, Israël « rayé de la carte » (selon la promesse d’Ahmadinejad), et aux banlieues européennes enflammées par l’Islam radical iranien ou wahabbite ? Doit-on faire une croix à tout jamais sur des démocraties au Moyen Orient ?
Si aucune des solutions proposées ne fonctionne, ni guerre, ni accommodements (déjà tentés par le passé, avec quels succès!), ni combat idéologique (implanter la démocratie), il faut s’habituer ? Se convertir ? Se laisser tuer petit à petit ?

Décidément nos élites européennes n’ont rien à proposer, si ce n’est le nihilisme (rien ne marche), le mépris (des Américains, des Iraqiens), de la condescendance (nous on sait mieux que tous les autres)… Que défend Le Monde ? Que propose Le Monde ? Les réponses: rien et rien. 6 ans après le 11 Septembre, c’est le vide.

Les traîtres seront pendus

Du moins, c’est ce que prévoit la loi américaine pour les traîtres: la mort par pendaison. Et pourtant José Padilla risque seulement la prison à vie. Le Monde relate le verdict:

Jose Padilla, symbole des excès de la lutte antiterroriste, a été reconnu coupable
Après trois ans et demi de détention et un procès long de trois mois, le verdict à l’encontre de Jose Padilla est tombé en à peine vingt-quatre heures, jeudi 16 août. Ce citoyen américain converti à l’islam, que l’administration Bush avait d’abord accusé d’avoir planifié un attentat à la « bombe sale », a été déclaré coupable par un jury de Miami de trois chefs d’accusation, pour soutien à des réseaux terroristes.

« Après trois ans et demi de détention »: comme si en France les détentions préventives n’étaient pas prolongées pendant des années en attendant les procès!
« En à peine 24h »: sous-entendu victime d’une justice expéditive!
« l’administration Bush avait d’abord accusé d’avoir planifié un attentat à la « bombe sale » »: et a abandonné ces charges parce que Padilla a d’abord été emprisonné sous le titre « combattant ennemi » et tout ce qu’il a pu dire à cette période a été abandonné parce que non recevable devant un tribunal civil.

le verdict, qui ne fait pas mention d’un projet d’attentat à la « bombe sale », rappelle toutefois, pour ses opposants, les excès de l’administration Bush dans sa lutte contre le terrorisme.

Pourtant le verdict a été obtenu devant un tribunal civil, en utilisant des moyens policiers, en respectant toute la procédure judiciaire. Dès lors cela devrait être un exemple de lutte contre le terrorisme pour les « opposants »…

Il a été arrêté à son retour [d’Afghanistan] aux Etats-Unis en mai 2002. Le gouvernement a alors affirmé qu’il prévoyait des attentats meurtriers aux Etats-Unis, notamment avec une bombe radiologique, des accusations qui ont entraîné son incarcération, sur ordre direct du président Bush, dans une prison militaire à l’isolement absolu, sans bruit ni lumière du jour et souvent privé de sommeil.

Vous m’expliquerez ce qu’allait foutre un Américain en Afghanistan à cette époque, à moins de bosser pour l’armée, mais passons… Voilà donc ce qui défrise les « opposants »: José Padilla a été envoyé en prison militaire. Un Américain, arrêté sur le sol américain, envoyé en prison militaire, donc sans lui « lire ses droits », à l’isolement.

La bataille a fait rage pendant des années devant les tribunaux pour déterminer si le président avait le droit d’ordonner ainsi la détention illimitée et sans inculpation d’un citoyen américain. Le gouvernement a cédé en novembre 2005 : il a confié le prisonnier à la justice fédérale, abandonné toute mention d’une bombe radiologique, et ne lui reprochait plus qu’un engagement criminel auprès d’Al-Qaida.

Le gouvernement a cédé: les tribunaux n’ont pas tranché. Les charges ont aussi été révisées. Toutes les oppositions au traitement militaire de Padilla ont donc été entendues. A partir de ce moment, Padilla est un justiciable comme un autre aux Etats-Unis. Mais cela ne suffit pas pour les « opposants ». Il aurait certainement fallu le libérer avec une médaille pour « résistance à Bush » pour les satisfaire.

Au procès, l’accusation s’est appuyée essentiellement sur un document présenté comme un formulaire d’inscription rempli par M. Padilla pour rejoindre un camp d’entraînement de la nébuleuse terroriste en Afghanistan. Ses avocats, qui contestaient l’authenticité du document, ont fait valoir que l’accusation cherchait d’abord à exploiter la peur du terrorisme pour obtenir une condamnation politique susceptible de justifier le traitement infligé à leur client. A l’énoncé du verdict, il n’a pas cillé. Il connaîtra sa peine le 5 décembre. Lui et ses deux coaccusés risquent la réclusion criminelle à perpétuité.

« Présenté comme »… halala, sacré Le Monde! Padilla a gentiment rempli un formulaire d’adhésion au Jihad. A l’époque ils ne doutaient de rien en Afghanistan! Le Monde passe aussi sur les aveux d’un autre jihadiste, qui ont mené à l’arrestation de Padilla.

La condamnation de Padilla a tenu à un fil, le formulaire d’application pour le jihad, et nul doute que depuis 2001 les jihadistes ne laissent plus de traces aussi simples à exploiter. Même si Padilla va désormais prendre de nombreuses années voire décennies de prison, le cas reste emblématique. Padilla a eu un procès civil, alors que les Etats-Unis (et bien d’autres pays) sont en guerre. Peu importe qu’il n’y ait pas de déclaration, ni même d’Etat à qui déclarer la guerre. Vouloir traiter des problèmes militaires avec des moyens civils, même si c’est tout à l’honneur du gouvernement américain, revient à combattre les mains liées dans le dos. Je ne plaide pas pour des exécutions sommaires: il faudrait appliquer la convention de Genève à la lettre, ou les lois adéquates (pour les cas comme Padilla ou John Walker Lindh). Combattant ennemi pris les armes à la main sans uniforme ? En théorie ils peuvent être fusillés sur place. Combattant ennemi américain attrapé sur le territoire américain ? C’est un traître, la sentence peut aller jusqu’à la pendaison.

He knows

Wretchard du Belmont Club examine une interview d’un traducteur iraqien pour l’armée US en Iraq par Michael Totten. Il conclue à l’authenticité des propos en ces termes:

Personally, I don’t think he’s crazy because I think I have met the type, though not in so extreme a form, typically a smart, sassy guy unable to accept the cheap horrors and rewards of a distorted millieu.
[…]A man with the right kind of values in the wrong kind of world

Hammer n’est évidemment pas fou. Il est né Américain, en Iraq, comme l’expliquait à son fils un réfugié hongrois en 1956:

« We are going to America, » he said.
« Why America? » I prodded.
« Because, son. We were born Americans, but in the wrong place. »

Nous sommes nombreux à partager cette terrible certitude. Heureusement, contraitement à Hammer (nickname du traducteur), je suis né dans un pays plutôt libre, même s’il se précipite avec délice tous les jours un peu plus loin dans un socialisme de bon aloi, dont Sarkozy ne marquera pas la rupture mais au contraire prolongera ce déclin vers l’abîme, j’en veux pour preuve son marchandage des otages bulgares de Khaddafi, ses reculades sur le service minimum ou encore sur le nombre de fonctionnaires non remplacés suite aux départs en retraite…

Bref, tout cela m’éloigne de cette interview fantastique de « Hammer », notamment son volet sur l’Iraq avant sa libération: corruption, arbitraire, tortures…

Pour pacifier l’Iraq, il a une solution simple: assurer un approvisionnement continu en électricité… pour permettre aux Iraqiens de regarder autre chose qu’Al JihadTV Jazeera:

Iraqis are paid to set up IEDs. They do it so they can buy gas for their generator and cool off their house or leave the country. Their hands do this, not their minds.

TV is the most interesting thing to Iraqis. They learn everything from the TV. Right now they only have one hour of electricity every day. Do you know what they watch? Al Jazeera. Al Jazeera pushes them to fight. If they got TV the whole day they would watch many things. Their minds would be influenced by something other than terrorist propaganda.

Right now they have no electricity. They have no dreams. Nothing. And Saddam messed with their minds. For more than 30 years he poisoned their minds.

En effet: comment s’imaginer un futur meilleur, si tout ce que l’on connait se résume à des années dictature sanglantes, de guerres incessantes (contre l’Iran, contre le Koweït, contre les Chiites, les Kurdes, contre les Etats-Unis…) ?

Enfin, sa vision d’un départ US d’Iraq est l’une des plus réalistes qu’il m’ait été donné de lire:

MJT: What will happen if the Americans leave next year?

Hammer: Rivers of blood everywhere. Syria and Iran will take pieces of Iraq. Anti-American governments will laugh. You will be a joke of a country that no one will take seriously.

Et plus loin il explique pourquoi les Etats-Unis ne seront plus pris au sérieux, exemple à l’appui:

In 1991 the Americans were heroes to the Kurds, but they disappointed the Shia and left them to Saddam. They were not reliable. So the next time, in 2003, some Shia thought they should get help from Iran. They know Iran is not going anywhere. Iran is a more reliable ally than the Americans.

The Shia never forgot being abandoned by the Americans. They talk about this all the time, still. They know the U.S. will leave Iraq and they will face Al Qaeda alone.

Quitter l’Iraq une nouvelle fois produirait les mêmes effets que précédemment, avec des conséquences autrement plus graves: l’Iran aurait le champ libre pour produire sa bombe atomique, plus aucun pays ne voudra accorder aux Etats-Unis une quelconque crédibilité, plus personne ne voudra coopérer avec des alliés inconstants (et dangereux), etc.

Bref, allez lire l’intégralité de l’interview car en quelques paragraphes cet homme courageux établit un diagnostic concernant l’Iraq, propose des solutions, et envisage les conséquences d’un retrait US. Et si vous pouvez l’aider, il souhaite s’établir aux Etats-Unis.

Casus belli

Les preuves de l’implication iranienne en Iraq Sont trop nombreuses pour être ignorées : du soutien fourni à Moqtada Al Sadr (qui fait des allers retours réguliers en Iran) en passant par les livraisons d’armes, de l’entrainement de terroristes quand ce n’est pas tout simplement directement des Pasdarans qui font le boulot, les exemples sont nombreux. Dernier en date:

Iranian missiles aimed at US base found in Iraq
JPost.com Staff, THE JERUSALEM POST Jul. 15, 2007

US armed forces in Iraq uncovered a field containing 50 Iranian-made rocket launchers, all aimed at a US army base, Israel Radio reported.

L’Iran est-il vraiment un pays avec lequel on peut négocier ?

Inavouable

D’après Le Monde, le procès des terroristes (présumés) islamistes ayant fomenté les attentats du 11 mars 2004 se déroule mal pour l’accusation:

Lors de la première audience, le 15 février, un accusé a rejeté le recours à la violence. Et depuis, tous nient, adoptant des lignes de défense similaire. Ainsi mardi 20 février, deux proches présumés du noyau dur du commando se sont défendus « avec intelligence, aplomb, à-propos et sérénité (…) et faute de nouveaux témoins à charge ou de nouvelles preuves implacables, le procureur aura bien du mal à obtenir leur condamnation », s’inquiète le quotidien espagnol El Pais.

Il y a bien sûr des éléments à charge:

Almallah Dabas […] prétend que Serhan Ben Abdelmajid Fakhet et Rifaat Anouar, deux membres du commando qui se sont suicidés, ne cessaient de lui emprunter son téléphone, prétextant que les leurs n’avaient pas de crédit.

Fouad El Morabit […] connaissait la plupart des suicidés et a reconnu avoir hébergé Rifaat Anouar la nuit précédant l’attentat, [il] nie toute implication. Aucune trace ADN de cet ancien étudiant en aéronautique et en électronique n’a été trouvé dans les trains qui ont explosé.

Rabei Ousmane Sayed Ahmed, alias « Mohammed l’Egyptien », a ainsi juré n’avoir « aucune relation » avec les attentats, alors qu’il se targuait d’avoir conçu « toute l’idée de l’opération de Madrid », dans une conversation interceptée par les services secrets italiens versée au dossier d’accusation. Un accusé est allé dans son sens mardi en le décrivant comme « fabulateur et vantard ».

Le procès n’est pas fini, mais est-ce là une nouvelle ligne de défense pour des accusés de terrorisme ? « Oui je les connaissais, oui je lui ai prêté de l’argent, mon téléphone, ma voiture, mon lit mais je ne savais pas que…« .
Le terrorisme devient inavouable, et faute de preuves irréfutables comme l’ADN, aucun moyen de prouver la culpabilité des terroristes ? Si le procès se termine sans condamnations ou avec de légères peines, que les « rendition flights » sont interdits et leurs auteurs poursuivis, que les écoutes sont condamnées, que reste-t-il aux sociétés occidentales pour se défendre ?
A force de traiter les problèmes de terrorisme comme des problèmes judiciaires à résoudre par des méthodes policières, le risque augmente qu’ils soient un jour considérés comme problème militaire, à résoudre comme tel. On tire d’abord, on juge après. Qui veut en arriver là ?

Obsession

Je reviens sur l’interview du rédac-chef d’Al Jazeera, pour répondre à certaines de ses interrogations et affirmations:

It’s not only the lack of democracy in the region that makes me worried. I don’t understand why we don’t develop as quickly and dynamically as the rest of the world. We have to face the challenge and say: enough is enough! When a President can stay in power for 25 years, like in Egypt, and he is not in a position to implement reforms, we have a problem. Either the man has to change or he has to be replaced. But the society is not dynamic enough to bring about such a change in a peaceful and constructive fashion.

Les sociétés arabes sont moins ouvertes que les autres parce qu’elles ne sont pas démocratiques, ni même prêtes pour l’être. A cet égard les résultats des élections de 2005 en Egypte sont édifiants: on y voit à la fois l’absence de démocratie avec Moubarak « réélu » avec 88% des suffrages, et les Frères Musulmans gagner 20% des sièges. (Remarquez la similitude avec les résultats de 2002 en France d’ailleurs)
C’est pour cela qu’aucun changement ne peut y avoir lieu sans heurts, sans effusion de sang, sans coup d’Etat, sans guerre. C’est pour cela que s’y maintiennent au pouvoir des dictateurs plus ou moins répressifs, des régimes plus ou moins tyranniques… Et puisque le seul « espoir » des populations réside dans les islamistes, on a le droit d’être pessimistes sur les possibilités d’évolution de ces pays. Le problème est profond.

In many Arab states, the middle class is disappearing. The rich get richer and the poor get still poorer.

Il n’y a plus de « classes moyennes » dans les pays arabes parce que ces pays ne permettent pas à cette « classe moyenne » d’émerger. Pour cela il faudrait plus de liberté d’entreprendre: si les gens ne peuvent pas investir sans devoir graisser la patte de tel ou tel fonctionnaire, sans avoir à se coucher devant l’administration X ou Y, et si lorsqu’ils font tout dans les règles ils sont toujours à la merci d’un fonctionnaire avide… Dans ces conditions le développement économique ne peut avoir lieu et aucune classe moyenne ne peut voir le jour. Reste les riches et puissants, proches du pouvoir évidemment, et les pauvres, toujours plus nombreux car il n’existe que peu de possibilités d’ascension au sein du pays. Résultat les plus brillants s’expatrient, les autres rejoignent la classe dirigeante.

Look at the schools in Jordan, Egypt or Morocco: You have up to 70 youngsters crammed together in a single classroom. How can a teacher do his job in such circumstances? The public hospitals are also in a hopeless condition. These are just examples. They show how hopeless the situation is for us in the Middle East.

Pourquoi les dirigeants investiraient dans la population plutôt que dans des palais, des Mercedes, des putes de luxe et des armes ? Pour contrôler une population, mieux vaut qu’elle soit crédule, manipulable à souhait, pauvre, vulnérable, et impressionnable. Evidemment les populations cherchent à fuir, et on voit bien l’attrait de l’Europe sur les maghrébins…

The Israeli-Palestinian conflict is one of the most important reasons why these crises and problems continue to simmer. The day when Israel was founded created the basis for our problems. The West should finally come to understand this. Everything would be much calmer if the Palestinians were given their rights.

Au lieu de se pencher sur les raisons profondes de l’échec du monde arabe, il est tellement plus simple de tout mettre sur le dos d’Israël. Je veux bien croire que l’obsession des arabes envers Israël aveugle les plus faibles, les moins éduqués, mais là on parle d’une personne faisant partie de l’élite. Alors, Ahmed Sheikh, victime de la maladie anti-juive ou bien pièce de l’édifice bâti par les régimes arabes pour maintenir la « rue arabe » dans l’ignorance ?

Le pire est à venir

Enfin la victoire annoncée des Démocrates est concrétisée.

Alors, que va-t-il se passer ? Le contrôle du Sénat et de la Chambre des Représentants donne aux Démocrates tout pouvoir sur le budget, mais pas sur la totalité de la politique gouvernementale elle-même. Espérons que les compromis n’impliqueront pas la bataille d’Iraq. Si d’aventure le retrait américain se faisait trop tôt, Moqtada Al Sadr (qui aurait du prendre un Hellfire sur le coin de la figure il y a belle lurette…) et l’Iran aurait trop vite fait de prendre le contrôle de l’Iraq.
Et au lieu d’avoir un problème iranien, on aurait… un réel empire islamique, allant de la Méditerrannée (Hezbollah au Liban, Hamas à Gaza) en passant par la Syrie (sunnite, mais alliée de l’Iran), en passant par l’Iraq (à majorité shiite, et je ne donne pas cher de la peau des sunnites là-bas…) et bien sûr l’Iran.

Sans présence américaine dans le Golfe, que deviendraient les monarchies pétrolières ? Des proies faciles pour un Iran nucléaire (avec l’inaction US des deux prochaines années, Amadhinejad et sa clique ont les mains libres). Donc ? Donc ils entameront une course aux armements, à la fois classique et nucléaires. Et comme d’ici deux ans la situation en Iraq aura probablement peu évolué (il vaudra mieux « calmer » la situation, donner une impression de calme pendant que les troupes US plient bagage), tout sera en place pour l’élection d’un président Démocrate en 2008 (qui pourra arguer de la réussite du plan de retrait d’Iraq, des négociations avec l’Iran…).

Et vers 2010 ? On aura un Iran nucléaire quasi-maître de la région, libre de financer à sa guise les terroristes où bon lui semble, éventuellement de prendre par les armes le Koweït (majorité shiite comme en Iran), ou une partie de l’Arabie Saoudite (majorité shiite dans l’est, càd là où est tout le pétrole…). Ou d’attaquer Tel Aviv. Ou de faire du chantage sur les capitales européennes.

Politique fiction ? Oui. Mais les Iraniens sont malins, et j’imagine mal Amadhinejad gâcher l’immense opportunité qui s’offre à lui. Quant aux politiciens américains, ils sont trop lâches et trop centrés sur la prochaine élection pour ne pas se satisfaire d’une pseudo-paix, ou plutôt, d’un report des hostilités. Car toute accalmie sera passagère, le calme avant l’inévitable tempête.

La guerre contre la guerre

Les médias aimeraient tellement rejouer le coup du Viêtnam, celui de la belle époque des mass medias: les journaux papiers et les télés sans la concurrence d’Internet, sans la myriade de sources d’informations et surtout d’analyses. Seuls sur le marché de l’opinion, ils pouvaient la fabriquer tout à leur aise. A l’époque un présentateur pouvait faire basculer l’opinion d’un pays entier.
Ce n’est plus tout à fait le cas, aussi ils appliquent la pédagogie la plus simple, celle de la répétition. Jour après jour l’Iraq est dans une « spirale du chaos », un « enfer de violence », un « bourbier sans fin », une « crise humanitaire permanente »…

Sur le terrain, le cancer de Moqtada Al Sadr a métastasé: ses milices plus ou moins sous son contrôle défilent, se battent contre la police, alors même qu’il fait partie du gouvernement. Absurde. Encore une fois, il vaut mieux prendre les problèmes à la racine: Al Sadr mort ou emprisonné en 2004 n’aurait pas pu devenir ce qu’il est. Et l’exemple aurait certainement servi aux Shiites: ils n’ont pas champs libre pour massacrer les sunnites et, en quelque sorte, prendre leur revanche sur les décennies de Saddam.
Les frontières avec l’Iran ne doivent pas être bien closes, et la Syrie n’a pas été menacée plus que ça pour son engagement. Il y a tant de choses à regretter sur l’action américaine.

Cela remet-il en cause fondamentalement l’action américaine en Iraq ? Non. Ce sont des erreurs tactiques. L’objectif est bon: démocratiser l’Iraq, ce qui in fine ne pourra être réalisé que quand les Iraqiens eux-mêmes comprendront que pour vivre ensemble il faut abandonner les armes et vivre entre eux en paix, et offrir au Moyen Orient une alternative aux dictatures islamo-nationalistes, panarabo-islamistes ou que sais-je encore. Dans cette guerre, la bataille la plus dure sera certainement celle contre la guerre: celle des médias, celle de tous les post-moderners nihilistes, des rouges-verts… Comme un miroir du conflit interne à l’Islam entre la minorité de modernistes et les islamistes au milieu d’une population en majorité passive, un conflit interne traverse l’Occident: ceux qui veulent faire vivre notre civilisation, ceux qui la rendent responsables de tous les maux et souhaitent sa fin, ou du moins sont indifférents à son sort. Pour gagner la guerre contre nos ennemis, il faut d’abord en avoir l’envie. Nos médias en ont-ils envie ? Rien n’est moins sûr.