Daily Archives: mardi 15 novembre 2005

La faute à CNN

Visiblement les médias étrangers n’ont pas traité avec la même légèreté que les médias français la « crise des banlieues »: « Depuis le début de la crise, télévisions et journaux européens et étrangers ont tendance à présenter le pays comme quasiment en guerre.« . Cela n’a pas plu à Jean-François Copé, le ministre du Budget.
Mais comme M. Copé porte aussi la casquette de porte-parole du gouvernement, il se doit de porter cette bonne parole partout où il le peut, y compris dans les médias étrangers: que ceux-ci ne rendent pas compte de la vérité officielle et le voilà très contrarié. Il a donc, tout simplement, convoqué les journalistes étrangers « pour les convaincre que la France n’est pas à feu et à sang« , mais aussi: Il devrait aussi présenter des initiatives positives prises dans le cadre de la politique de la ville, comme les zones franches ou la rénovation urbaine. Il devrait enfin vendre «une France attractive qui se réforme» et, notamment, d’un point de vue fiscal« .
Pour le gouvernement l’image de la France est plus importante que son état réel.
Le pire, c’est que ce porte-parole est si efficace que les journaux français ont dénigré la couverture des médias étrangers tant est si bien que lundi matin j’ai eu droit à des remarques de tous mes collègues sur le thème: « alors t’as vu à CNN ils confondent Lyon et Lille! Hahah quels cons ces Américains! ». Ouais, quels cons, n’est-ce pas ? C’est vrai que nous on sait placer Des Moines ou Boise sur une carte, hein ? Nous on est des grands culturés, comme je peux le constater tous les jours à mon travail quand mes collègues, les mêmes qui ricanent sur les approximations géographiques des Américains, m’envoient des e-mails à faire pleurer des élèves de CP (des années 60, car ceux d’aujourd’hui…)! Et c’est tellement plus facile de recourir au bon vieux réflexe anti-américain que de regarder la réalité en face!

Mise à jour: oops, je n’ai pas cité ma source: un court article dans Le Figaro. A noter qu’ensuite j’ai entendu sur I-Télévision une journaliste déclarer que « Copé avait convoqué la presse étrangère pour la tancer ». Hé oui, en France le porte-parole du gouvernement gronde les journalistes étrangers.
Voir aussi Stephane.info sur le même sujet.

Armes chimériques

Lu dans Libération:

A Rome, «Yankee go home»
lundi 14 novembre 2005 – 19:29

Plusieurs centaines de personnes ont manifesté lundi soir près de l’ambassade des Etats-Unis à Rome aux cris de «Yankee go home» et ont lancé des paquets de farine pour dénoncer l’utilisation de phosphore par les troupes américaines à Falloujah en novembre 2004. Les manifestants, entre 200 et 300 selon la police, ont tenté de forcer le passage, puis ont bloqué l’avenue, une des grandes artères de la ville.

Plusieurs élus de la gauche radicale italienne ont soutenu cette manifestation dans une déclaration commune. «Les témoignages d’officiers américains confirment l’enquête de la Rai (la télévision publique italienne) et placent le commandement américain devant ses terribles responsabilités», ont-ils affirmé.

Un reportage de la chaîne d’information italienne RaiNews 24 diffusé mardi dernier a affirmé que les forces américaines ont utilisé des armes chimiques contre des civils de Falloujah en novembre 2004, notamment du phosphore blanc, un puissant agent mortel qui brûle violemment les corps.

Pourquoi faire un papier là-dessus ? Les troupes US emploient évidemment du phosphore dans des obus « marqueurs », parce qu’ils font une colonne de fumée blanche bien visible pour d’autres troupes. Très utiles pour dire « c’est là qu’il faut tirer » ou au contraire: « partout sauf ici! ». Voilà longtemps que l’armée US n’utilise plus le phosphore en tant qu’incendiaire. Pour cela il y a le napalm, mais qui est lui aussi obsolète. Aujourd’hui il y a des bombes bien plus terrifiantes… et les obus marqueurs servent rarement, dans une armée « en réseau », où la majorité des projectiles, y compris les obus d’artillerie, sont guidés.
La description débile que fait Libération du phosphore est encore plus risible que l’accusation: « un puissant agent mortel ». Wow. On parle du sarin ou du tabun ? du VX ? Non, d’un produit incendiaire et fumigène. Et quels effets a-t-il ? Fort logiquement, le phosphore brûle. Wow. Là on a une info de première classe: ben oui, les produits incendiaires ne rentrent pas dans la catégorie « armes chimiques ».
Ah et puis renseignez les imbéciles qui parlent d’armes chimiques: une balle contient de la poudre, un obus aussi, et ce sont aussi des « armes chimiques ». Mais c’est pas grave, dans les médias français, on peut écrire ou répéter n’importe quelle connerie.

A petites doses

A petites doses les mensonges sont distillés… dans l’émission d’aujourd’hui « N’ayons pas peur des mots » sur I-Télévision, l’un des participants donne sa vision des émeutes, en (de tête) ces termes:

La situation actuelle des banlieues rappelle celle du Sud des Etats-Unis dans les années 50-60. La ségrégation faisait rage et les Démocrates ont alors pris des mesures très énergiques, comme l’envoi de la Garde Nationale pour faire entrer des Noirs dans une école blanche…

Bon, hormis l’exagération concernant la situation des banlieues, il y a un énorme mensonge là-dedans: c’est le président Eisenhower, un Républicain, qui s’est opposé à des Démocrates dans l’affaire de la ségrégation. Ils pourraient faire attention en choisissant leurs invités à I-Télé, car aucun, ni bien sûr le présentateur, n’a relevé cette énormité. Mais c’est pas grave, c’est la télé française, on peut dire n’importe quelle connerie sans jamais se faire reprendre…

L’aberration voit clair

Lu dans Libé

Après le tabassage de notre envoyé spécial Christophe Boltanski, une équipe de la télévision belge RTBF, à qui nous témoignons toute notre solidarité, a été hier à son tour molestée et empêchée de travailler. Cette double agression aura le mérite de mettre en lumière le visage du régime policier qui étouffe en premier lieu la liberté d’expression et d’information du peuple tunisien. Mais plutôt que de protester solennellement, Kofi Annan, le secrétaire général de l’ONU, qui a choisi d’organiser à Tunis ce Sommet mondial sur la société de l’information, préférait souligner hier soir «le bon déroulement des préparatifs de cette réunion». Ce Sommet n’est pas encore ouvert qu’il tourne à la «mascarade», selon l’expression de Reporters sans frontières.

Hé oui, l’ONU n’en a que faire de la liberté d’expression, ou de la liberté tout court. Et ce fameux sommet est dédié à la prise de contrôle de l’Internet par l’ONU, bataille engagée il y a quelques mois déjà, avec bien sûr l’appui d’un grand nombre de pays européens, pour le retirer aux USA, qui n’ont jamais empêché qui que ce soit d’accéder au réseau, pour quelque raison que ce soit. Mais justement, c’est bien ça le problème… Voir toute la série d’articles sur le sujet chez Evoweb, dont celui-ci.