La mascarade démocratique

Petit point à J+1 sur le « non » irlandais sur 20 minutes.fr:

Traité de Lisbonne: «pas d’autre solution» qu’un nouveau vote des Irlandais:

A vote gênant, nouveau vote? Comment faire pour que  «l’incident irlandais ne devienne pas une crise», selon l’expression de Nicolas Sarkozy, qui s’exprimait samedi lors d’une conférence de presse commune avec George W. Bush? Alors que la France doit prendre la présidence de l’Union européenne le 1er juillet, son gouvernement commence à chercher comment sortir de la crise institutionnelle créée par le «non» irlandais. Et, il n’y a «pas d’autre solution» pour sauver le traité européen de Lisbonne qu’un nouveau vote des Irlandais, selon le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, interviewé samedi sur Europe1. Mais ce vote pourrait avoir lieu après une «adaptation» du texte pour ce pays.

«Il faut que le processus de ratification aille jusqu’à son terme (…) et pendant ce temps-là laisser le temps de la réflexion aux Irlandais, savoir si moyennant quelques médiations ou une demande de leur part ils peuvent revoter.» «Il est trop tôt pour savoir ce qu’ils vont nous demander», a-t-il ajouté, ajoutant qu’un Conseil européen prévu les 19 et 20 juin pourrait être l’occasion pour le Premier ministre irlandais de faire part de son «analyse».

L’hypothèse de cette «médiation», qui interviendrait «au terme du processus de ratification« des 26 autres pays membres de l’UE, est que l’on «se mette d’accord avec les Irlandais sur une demande a minima qui ne rouvre pas (le dossier des institutions)», a dit le secrétaire d’Etat français.

«Les Irlandais ont un statut neutre, ils peuvent demander à être exonérés par exemple véritablement de ce qui est la politique européenne de sécurité et de défense dans le cadre du nouveau traité», a-t-il suggéré. Ce serait «une adaptation marginale qui ne concerne que les seuls Irlandais», a-t-il souligné.

«Soit ils revotent au terme d’une médiation, soit nous continuons à travailler dans le cadre actuel», a-t-il conclu.

Résumé: les irlandais revoteront sur un texte marginalement modifié. C’est la position officielle de l’Etat français. La souveraineté irlandaise ? Pffft.
Et maintenant une revue de presse du «non» irlandais:

L’«Irish Daily Mirror» évoque une «grave rupture entre l’establishment politique et le citoyen ordinaire», blâmant «l’arrogance du camp du oui» qui considérait un vote positif comme acquis.

Evidemment qu’il est arrogant l’establishment, il a les médias dans sa poche, l’UE à son service. Comme en 2005 en France; tous les journaux pour, tous les états majors pour, et les « gens », ceux qui bossent, ceux qui se demandent à quoi servent les jet-setters européens, avec leurs émoluments fantastiques, leurs avantages incontrôlés, et leur certitude d’être le Sens de l’Histoire.

Pour le «Times» de Londres, les Irlandais ont dit «non» à un projet qui était «jusqu’à présent nappé d’un jargon incompréhensible et auquel l’impulsion a été donnée par des fonctionnaires qui l’avaient inventé».

Sur le même registre, «Libération» souligne que l’Union «a besoin de démocratie, de pédagogie. Elle doit associer les peuples de l’Europe à sa construction». L’UE est «trop abstraite, trop loin des gens», martèle également «Ouest-France».

Libération souligne le besoin de démocratie ? On vient d’en avoir, dans un pays sur 27. C’est ça l’UE: la démocratie, un peu! Et puis il faut de la pédagogie, parce que vu que personne ne comprend à quoi elle sert à part pondre des lois débiles, siphonner des centaines de milliards de subventions, il faudra expliquer longtemps aux idiots que nous sommes!

En Allemagne, «Die Welt» (conservateur) fustige «les élites politiques européennes» qui considèrent que le peuple irlandais a rejeté le traité parce qu’il ne l’a pas compris. Mais «pourquoi (les Irlandais) auraient-ils dû approuver un Traité dont nul ne leur a expliqué l’utilité?»

Toujours la même rengaine: ils ont voté non parce qu’ils n’ont pas compris, parce que ceux qui votent non sont des cons.

Les deux grands quotidiens belges considèrent eux qu’il aurait mieux valu ne pas poser directement la question aux électeurs irlandais. «Il y a un vrai problème avec ces référendums occasionnels, qui permettent les plus extravagants parasitages du débat public», écrit «Le Soir», tandis que «La Libre Belgique» évoque l’«exercice inepte» consistant à soumettre à référendum des textes dont le «citoyen lambda» ne peut saisir tous les enjeux.

Au moins les belges y vont franco: la démocratie pose problème, passons nous de démocratie. C’est vrai que l’appel au vote c’est le parasitage du débat public, n’est-ce pas ? Et puis de toute façon le citoyen lambda est un imbécile, autant laisser aux grands chefs éclairés le soin de nous guider vers… ce qui leur chantera puisque les crétins de base sont incapables de comprendre les desseins de leurs maîtres.

Quelles qu’en soient les raisons, le «non» irlandais a déclenché un séisme politique d’ampleur inédite, observent nombre d’éditorialistes. «Un coup dur pour l’Europe», affirme aux Pays-Bas «De Volkskrant». Un «cauchemar européen», titre le journal bavarois «Süddeutsche Zeitung» (centre-gauche), qui redoute une «paralysie interne» de l’UE. «Sans doute le pire revers pour le projet européen en 50 ans», craint le quotidien espagnol «ABC» (conservateur).

Le fameux « projet ». Où démarre-t-il, où s’arrête-t-il ? Nulle part: c’est une fin en soi, le « projet » européen, pour les « élites ». Ils en vivent, volent de capitale en capitale, prennent des décisions « importantes », se saisissent de « dossiers », font la pluie et le beau temps sur des secteurs économiques via leurs lois…

Tous les journaux ne crient cependant pas à la catastrophe. Au-delà des commentaires triomphants des quotidiens eurosceptiques – à Vienne, le tabloïd «Kronen Zeitung» évoque un «miracle», tandis que le «Sun» britannique félicite les Irlandais pour leur «courage» – d’autres éditorialistes soulignent que cette panne institutionnelle peut permettre à l’Europe de prendre un nouveau départ.

Un nouveau départ ? Tut tut tut, vous n’y pensez pas: la direction est donnée, et à part des modifications mar

«Ce n’est pas la fin du monde», souligne en Allemagne la «Frankfurter Allgemaine Zeitung». «Le “non” de Dublin secoue l’Europe, mais est-ce une catastrophe?» s’interroge en Italie la «Stampa».

Des réflexions de bon sens.

Ce revers «ne signifie pas un bouleversement du calendrier», analyse à Stockholm le «Svenska Dagbladet», mais pourrait «pourrait alimenter le vieux rêve gaulliste d’une UE dirigée par un petit groupe, dit des grands pays, avec la France en pointe». «Dans le pire des cas, l’intégration (européenne) va se faire sur une autre base, celle de petits groupes de pays», avance aussi la «Pravda» en Slovaquie.

Pour Alain Duhamel, dans «Nice-Matin», «c’est une Europe à géométrie variable qui va se développer, avançant sujet par sujet avec ceux des pays qui le souhaitent».

Et une Europe qui se ferait pas du tout ? Parce que celle-là a prouvé sa nocivité…

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